Le corps a des besoins évidents : de la nourriture, du sommeil, de la chaleur ; mais l'âme, quels sont ses besoins ? Dans ces pages célèbres, Simone Weil aborde une petite quinzaine de thèmes fondamentaux à une société adulte : besoin de cohérence, de sécurité, liberté de parole, consentement, responsabilité, égalité, risque, vérité, propriété, etc.
Publié en 1925, ce texte confirme le génie de Zweig pour saisir la vérité intime des grands esprits - Freud, par exemple, et ici : Nietzsche, dont il souligne la soif absolue de vérité et de liberté, d'indépendance, de poésie, mais aussi la défaite, celle du corps malade du philosophe, celle de la raison, devenue l'esclave de la folie et d'une forme de suractivité créatrice : "L'effondrement de Nietzsche, écrit-il, est une sorte de mort par la lumière, une calcination de l'esprit par sa propre flamme." Un burn-out ?
Ce livre comprend également un texte de 1917, "Nietzsche et l'ami", qui met l'accent sur la solitude du philosophe à la fin de sa vie.
Les textes essentiels de Walter Benjamin rassemblés en un seul volume de poche qui permettra d'aborder la pensée d'un intellectuel à l'oeuvre foisonnante, fragmentaire et hétéroclite.
Qu'est-ce qu'une société qui ne fait pas de place aux jeunes ? Qu'est-ce qu'un travail qui ne participe pas à la construction de soi ? Réfléchissant aux illusions et impasses de son époque (on est au début des années 1930), Simone Weil nous parle en prophète d'aujourd'hui. Ce livre, qu'elle considérait comme son oeuvre principale, est pour la "génération Covid", si inquiète et en colère.
On ne sait rien de la voix de Walter Benjamin ; il n'existe aucun enregistrement de ce philosophe qu'on imagine plus facilement au milieu des livres que sur les ondes. Et pourtant, l'auteur de "Sens unique" fut aussi un homme de radio : pendant cinq ans, de 1929 à 1933, il fit avec un certain succès des dizaines de causeries littéraires à la radio allemande. Pensées spécifiquement pour ce support, nerveuses et rythmées, portant sur la culture européenne, elles offrent un regard malicieux ou critique sur des auteurs fétiches ou qui l'ont marqué, de Gide à Thornton Wilder, ainsi que sur des domaines comme la graphologie, qui fut l'une de ses passions. Les neuf conférences publiées ici sont totalement inédites en français.
Très claire introduction au phénomène du totalitarisme, ce livre rassemble deux textes de Hannah Arendt qui se situent dans le sillage immédiat de son ouvrage majeur, «Les Origines du totalitarisme» (1951), qu'il contribue à éclairer et à approfondir. « La nature du totalitarisme » (1954) est une conférence où Arendt traite de la spécificité du régime totalitaire par rapport au despotisme et aborde les thèmes de l'idéologie, de la terreur, de la tyrannie, de la solitude. « Religion et politique » (1953) est un essai où Arendt discute des religions politiques et séculières, et où elle réfléchit à la question de l'autorité.
Entre les moralistes français, Marx et les romantiques allemands, Adorno entreprend, à travers de courts chapitres, vignettes, instantanés, une critique du mensonge de la société moderne, traquant au plus intime de l'existence individuelle ce qui nous détermine et nous opprime. Un livre à méditer comme un art de penser et à pratiquer comme un art de vivre. Mieux : un art de résister.
Au printemps 1940, quelques mois avant de se suicider, Walter Benjamin rédige une suite d'aphorismes denses et étincelants, bouleversants blocs de prose poétique au centre desquels rayonne «Angelus Novus», le tableau de Klee, que le philosophe associe à l'Ange de l'Histoire. Réunis sous le titre "Sur le concept d'histoire", ces aphorismes sont le texte le plus commenté de Benjamin. Leur répondent ici deux autres essais : "Eduard Fuchs, le collectionneur et l'historien" (1937), et le célèbre "Paris, la capitale du XIXe siècle" (1935), traversés par une même question : peut-on sauver le passé ? Avec une préface de Patrick Boucheron, professeur au Collège de France.
Nous n'oublions rien : tout ce que nous avons perçu, pensé, voulu, persiste indéfiniment. Dès lors, où les souvenirs sont-ils stockés ? Peut-on les convoquer par le rêve ? Que voit-on quand on rêve ? A-t-on des sensations physiques ? Rêver demande-t-il des efforts ? Et peut-on avoir des idées, créer, en rêvant ? C'est à la matérialité du rêve que s'attache ici Bergson. Son texte est suivi d'un magnifique écrit de Robert Louis Stevenson, «Un chapitre sur les rêves», que Bergson commente et qui, plus tard, fascinera Jorge Luis Borges. Féru de psychologie, Stevenson y pressent, dès 1888, l'importance de ce que Freud appellera l'inconscient.
À l'occasion d'une célèbre polémique avec Proudhon, Marx règle, dans «Misère de la philosophie», ses comptes avec une certaine idée du socialisme et de l'économie. Critiquant le socialisme "petit-bourgeois", il précise ses thèses et en donne une version très accessible dans un texte brillant - et directement écrit en français - qui peut servir d'introduction pour qui veut s'initier à cet auteur. Outre la préface de Jean Kessler, qui répond à la question: "Peut-on encore lire Marx aujourd'hui?", le lecteur trouvera ici rééditée une lettre de Proudhon à Marx dans laquelle il repousse l'idée de révolution brutale.
Ce livre est l'un des meilleurs accès à l'oeuvre d'Adorno. Tout l'univers de ce philosophe au génie composite y est présent : philosophie, théorie de la société, musique, littérature. Son objet : prévenir le risque de voir une tradition culturelle pervertie par le conformisme. Nul n'est exempt d'aveuglement, écrit Adorno, pas même le « critique de la culture » dont il brosse le portrait en introduction. C'est que les plus grands artistes, les penseurs les plus vigilants avancent sur une corde raide, guettés par la régression d'un côté, et, de l'autre, la complaisance.
Aujourd'hui, 55% de la population mondiale vit dans une ville ; dans trente ans, ce sera 75%. Notre rapport à la ville est donc une question de plus en plus pressante à l'heure de la globalisation et des mégapoles. D'où l'utilité de lire Simmel, pionnier de l'écologie urbaine et fondateur, avec Durkheim et Weber, de la sociologie moderne. Quelle est la psychologie de l'habitant des grandes villes ? Son rythme de vie est-il à l'origine de son individualisme ? Comment s'adapte-t-il aux normes de la société ? Et surtout : que ressent-il ? Pourquoi le regard, l'ouïe, l'odorat sont-ils si importants pour comprendre les interactions sociales dans un environnement urbain ?
Traduit de l'allemand par Jean-Louis Vieillard-Baron et par Frédéric Joly.
1939. Freud est en exil à Londres. Il publie ce qui sera son dernier livre, auquel il aura travaillé plus de trente ans. Composé de trois essais, consacré aux origines de la religion juive, L'Homme Moïse se veut la suite de Totem et tabou. Qu'est-ce qu'un prophète ?
Comment devient-on un « grand homme » ? Quelles sont les racines de l'antisémitisme et de la haine de soi ? Peut-on se dire juif si l'on ne pratique pas ? Quelle est la nature d'un sentiment d'appartenance si fort qu'il peut se transmettre de manière transgénérationnelle ?
Comment faire de la philosophie une science ? Pour assurer la validité de ses recherches, elle doit s'appuyer sur une méthode, "quelque chose de parfaitement défini, susceptible de se ramasser en formules, et capable de fournir, dans toutes les branches de la philosophie, toute la connaissance scientifique objective qu'il est possible d'atteindre". Tel est l'objectif de ce livre fondateur de la philosophie analytique qui comprend notamment le texte "L'essence de la philosophie : la logique", dont Wittgenstein s'inspirera en écrivant le «Tractatus logico-philosophicus».
Notre siècle est celui de l'écologie. Pour le penser, il faut une philosophie globale qui aborde le paradigme environnemental à la fois sous les angles éthique, métaphysique, épistémologique, politique, économique et juridique. Parallèlement aux travaux américains, un jeune prodige allemand, Vittorio Hösle, proposait de s'y atteler dès 1990, dans une série de conférences énergiques qui firent date. Prolongeant et dépassant les intuitions de son maître Hans Jonas, il a fait avec ce livre clair et imagé une entrée spectaculaire dans l'histoire de la pensée.
L'une des meilleures introduction à la pensée de Gilles Deleuze, qui est une philosophie de la vie, du concret. Elle embrasse et donne sens à un monde contemporain fragmenté, éclaté, chaotique, tout en variations, avec des bouleversements, des révolutions qui ne sont pas seulement le fait de l'économie ou de la politique. S'y décide une réforme de nos sensations, de nos pensées, redevables aux créateurs d'images et de concepts dont le cinéma et la philosophie ne manquent pas d'exemples.
Jamais l'histoire n'a permis de porter un regard aussi pénétrant sur le sort inhumain qui nous est réservé, jamais une telle lucidité ne s'est autant aveuglée sur notre chance de le révoquer.
La tyrannie planétaire du profit mise sur le caractère archaïque des réactions contestataires pour accroître sa puissance en démantelant les secteurs utiles à la société et en propageant une misère existentielle qui multiplie les comportements suicidaires. Notre seule chance d'abolir la civilisation marchande consiste à favoriser l'émergence d'une civilisation humaine en nous fondant, avec l'intention de la dépasser, sur la seule et véritable nouvelle économie.
Le temps est venu d'en prendre conscience : notre richesse réside en une vie affinée par le progrès de la sensibilité et de l'intelligence humaines. Nous n'avons ni à la sacrifier ni à la rembourser au prix de l'infortune. Notre combat n'est plus de survivre dans une société de prédateurs mais de vivre parmi les vivants.
Que faire de la religion, que tout concourt à déqualifier, mais qui résiste, obstinément, à la menace de sa disparition ? Et qui résiste, non pas comme un vestige du passé, mais comme une ressource de mobilisation, une source de sens et de légitimité de l'action collective, un outil de construction de soi, en dépit de tout, parfois au risque du pire ? Cette question est au coeur des quatre principaux essais, dont deux sont inédits en français, que Simmel consacre, entre 1903 et 1912, à la religion et à la religiosité : « Du salut de l'âme », « La religion », « La personnalité de Dieu » et « La religion et le positionnement religieux aujourd'hui ».
Le charisme de Hitler, la responsabilité politique, le nationalisme, la nature du totalitarisme, le fascisme, l'art de terroriser les populations : ce nouveau recueil de la grande philosophe, dont certains textes sont inédits en français, complète «La Philosophie de l'existence» et manifeste, à chaque page, ce qui l'anima toute sa vie : la passion de comprendre.
À partir de textes rédigés par Paul Diel, Jeanine Solotareff poursuit la traduction psychologique du symbolisme dans l'évangile de Jean, verset par verset. En résulte un éclairage réciproque de la raison et de la religiosité qui, au lieu de s'opposer jusqu'à l'absurde, se renforcent mutuellement. C'est le message de Jésus dans son intégralité - sa foi dans le sens de la vie -, exprimé dans le symbolisme de ses actes et de ses discours, qui est ici restitué.
Dans le sillage de Nietzsche et Freud, Adorno questionne les sources psychiques des attitudes et des points de vue moraux dans la société, comme le respect ou l'attention à l'autre et à sa situation concrète. Axé sur les rapports entre philosophie, psychanalyse, sociologie et sciences sociales, ce livre souligne les liens étroits qui unissent la marchandisation croissante du social et la désagrégation des interactions humaines.
Certains des plus beaux textes de la philosophie ont été écrits à l'approche de la mort. Ce livre ultime de Georg Simmel ne fait pas exception. Atteint d'un cancer, le célèbre philosophe et sociologue allemand, disparu en 1918, à soixante ans, se penche avec intensité, émotion et subtilité sur les frontières de la vie, le temps et le destin. Inédit en français, animé par une vision sereine, non angoissante, de la mort, Intuition de la vie, où Simmel s'oppose à l'impératif moral kantien et repense l'élan vital de Bergson, a suscité l'admiration de philosophes parmi les plus importants du XXe siècle, dont Raymond Aron, Jürgen Habermas et Vladimir Jankélévitch.
« L'amour n'est pas forcément chose tranquille, n'est pas délicatesse, confiance, réconfort. L'amour n'est pas seulement compréhension, partage, gentillesse, respect, passion qui touche l'âme et contamine les corps. L'amour n'est pas silence, question, réponse, assurance de fidélité éternelle, lacération d'intentions pour un temps partagées, trahison de promesses non tenues, naufrage de rêves éveillés. L'amour est ce qui fait toucher du doigt les limites de l'être humain. » (Umberto Galimberti)
Notre société est incapable d'assurer et d'assumer la transmission du savoir et de l'expérience depuis qu'elle a fait de la rupture le moteur de la modernité. Refuser tout héritage, faire table rase du passé, mépriser les modèles et les filiations, rompre systématiquement avec le père : ce geste « moderne », qui nous englue dans le présent, mène aux pires catastrophes, humaines, politiques, économiques. Contre le culte de l'ici-et-maintenant, et pour sortir du malaise dans notre civilisation occidentale, Peter Sloterdijk propose une relecture vertigineuse de notre histoire et nous exhorte à nous réinscrire dans la durée. Telle est la leçon de ce livre, sans nul doute un essai magistral sur l'art de maîtriser sa liberté.