Communément célébré pour sa parole lumineuse, Michel Serres a été souvent critiqué pour la complexité de ses livres, notamment les premiers. Paru en 1992, Éclaircissements s'était donné pour mission de rendre le travail du philosophe transparent et limpide. La discussion menée par Bruno Latour, qu'il connaissait bien, a permis à Michel Serres de s'exprimer librement et sincèrement tout en simplifiant son propos. Un dialogue amical mais sans concession où l'on apprend beaucoup sur sa formation intellectuelle (la guerre, les sciences renouvelées), sur les enjeux de ses livres et le dessein global d'une oeuvre qui, à ce moment, n'en était encore qu'au premier tiers : 24 livres sur 80 ! Michel Serres explicite les raisons de son passage des sciences à la philosophie, sa position singulière, construite sur la remise en cause du progrès des sciences devant Hiroshima et la responsabilité scientifique : « J'ai été formé intellectuellement par les révolutions intérieures à la science, et philosophiquement par le rapport de la science à la violence. » Pour construire l'avenir, notamment celui de la cohabitation des hommes et de la nature, il insiste sur l'importance du droit, du récit, incarnation nécessaire, de la beauté de la langue, qu'il cultive, ou celle de la pluridisciplinarité, qu'il prônera activement. Avec le recul, on est étonné de voir à quel point il était lucide sur l'état du monde et sur ce qui nous attendait.
On part en exil pour fuir la guerre, la famine, des conflits politiques ou familiaux ; on part en voyage pour découvrir le vaste monde, changer d'horizon. Mais pourquoi revient-on ? Qu'est-ce qui pousse Ulysse à abandonner Calypso et à retourner à Ithaque ? Pourquoi l'explorateur du bout du monde rentre-t-il chez lui ? Pourquoi le colonel Chabert est-il de retour, alors qu'il sait qu'il sera probablement méconnu et déjà remplacé ? Pourquoi quitter l'extraordinaire, l'aventure, le dépaysement ?
Du désir de retour, les livres parlent peu. En français, d'ailleurs, il y a des mots pour désigner celui qui part (le voyageur, l'aventurier, l'exilé), non celui qui revient. Revenant ? Trop spectral. Rapatrié ? Celui-là n'a pas le choix du retour. Quant au « rescapé », ses épreuves passées intéressent plus que l'épreuve de son retour. Pourquoi ce manque, qui est le signe d'un impensé fondamental ?
C'est à cette question que Céline Flécheux tente d'apporter des réponses. En s'appuyant sur de nombreux exemples tirés de la culture commune, de Homère au Nietzsche de l'éternel retour en passant par la parabole du fils prodigue et ses réinterprétations picturales, elle montre que revenir chez soi, c'est d'abord faire l'épreuve d'un retour à la vie normale. Mais pourquoi retrouver l'existence quotidienne et consentir à la banalité ? Sans doute parce que revenir dans l'espace, c'est un peu revenir dans le temps...
En 1960, Michel Serres a trente ans. Il n'a encore publié aucun livre. Sur dix-huit cahiers manuscrits, il tient, de mai 1960 à mai 1974, une sorte de «?journal philosophique?», où il note ses réflexions, ses intuitions, ses trouvailles. Il a décidé de bâtir une oeuvre. Dans ces cahiers, il s'y exerce. Ce premier volume des oeuvres complètes contient la transcription intégrale de ces cahiers. On y trouve, bien sûr, les esquisses de sa thèse, les brouillons de ses articles, des notes de lecture, mais aussi des réflexions sur l'époque, sur l'université, sur le monde et sur lui-même. Et une pensée qui chemine, inspirée par le souci de jeter des ponts entre le monde des sciences et celui des lettres et de la philosophie. Fort de sa double culture, Serres aspire à inventer un nouvel encyclopédisme?: à «?tracer des routes transversales?» dans l'océan des savoirs. Dans le même temps, mesurant la puissance que nous donnent les sciences et les techniques, il nous alerte sur les dangers que cette «?maîtrise?» comporte?: «?[...] l'homme de demain est condamné à la raison. [...] Hors la sagesse, il n'y a plus, probablement, comme horizon que le suicide collectif et intellectuel.?» Et il définit la mission du philosophe?: penser ce «?nouveau monde?», pour le rendre habitable. Préface et présentations par Roland Schaer. La collection des oeuvres complètes de Michel Serres est dirigée par Sophie Bancquart, Bernadette Bensaude-Vincent, Roland Schaer et Frédéric Worms.
Héroïsme, ascèse, folie... les préjugés sur le jeûne confinent parfois au fantasme. Pourtant, si cette pratique peut paraître exotique, elle n'en renoue pas moins avec des millénaires d'évolution naturelle. C'est donc une autre histoire que nous raconte le corps : le jeûne s'inscrit dans une mémoire ancienne de l'organisme, tout en permettant une véritable jouvence pour l'esprit. Rompant avec un dualisme qui nous a fait dénigrer les puissances critiques du corps, Sébastien Charbonnier et Eva Lerat explorent philosophiquement le jeûne comme une expérience reconfigurant notre rapport à nous-même, aux autres et au reste du vivant - une expérience radicalement politique. Dans ce livre, ils s'adressent aussi bien aux personnes qui n'ont jamais jeûné qu'aux jeûneurs chevronnés. Ils espèrent aiguiser la curiosité, par des chemins complémentaires aux arguments biologiques sur les bienfaits du jeûne, et proposent des perspectives sur les dimensions éthiques, politiques et écologiques de cette expérience profondément humaine.
Depuis l'embryon lové dans le ventre de sa mère jusqu'aux métropoles qui couvrent la Terre de leurs lumières permanentes, les humains habitent le monde de mille et une façons. Mais les animaux et, plus étonnant, les végétaux ont eux aussi, bien avant nous, conçu des demeures où vivre. Des grottes aux cathédrales en passant par les cabanes et les hôtels, de la coquille au terrier, Michel Serres nous dévoile les secrets d'architectures séduisantes et multiples, nous en montre le sens et esquisse ainsi, par biomimétisme, le monde de demain. Édité à l'origine avec une riche illustration, ce texte, empreint de poésie, est pour la première fois rendu disponible dans une édition courante sans les images.
Georges Bataille avait étrangement, mais significativement, intitulé l'un de ses textes « Des cathédrales aux maisons de couture ». En inversant la proposition, Olivier Assouly s'interroge : et si le capitalisme s'attachait désormais, à travers les industries du luxe, à tirer profit d'une cathédrale ? De fait, après l'incendie de Notre-Dame de Paris, les élans de générosité des grands patrons du luxe étaient vraisemblablement symptomatiques d'une marchandisation de la culture. Or, les croyances du XIIIe siècle qui ont rendu possible le faste des cathédrales gothiques n'ayant plus cours, comment peuvent-elles aujourd'hui entrer en résonance avec de simples produits de luxe et une réalité sociale radicalement autre ? La question que pose ainsi Olivier Assouly, c'est celle de la réaffectation culturelle et marchande des cathédrales. Mouvement qui semble exemplairement contraster avec la vision politique et populaire de Victor Hugo. Pour quelles raisons - et avec quelles conséquences ? - les « maisons de couture » sous tutelle de LVMH ou Kering représentent-elles emblématiquement, en déclassant le faste des monuments religieux, un nouvel âge du luxe ?
Depuis les domaines du numérique et de la biologie moléculaire, on nous annonce que tous les mécanismes biologiques vont enfin pouvoir être révélés, modélisés, dépassés. Le temps serait venu de se passer du monde réel et du vivant lui-même, désormais réductible à ses composants, à une mécanique. Derrière ces promesses de vie augmentée se cache en réalité toujours le même projet réactionnaire : celui de se débarrasser des corps pour accéder enfin à la « vraie vie » qui serait du côté des données et des algorithmes. Or, en assénant que « tout est information », le monde numérique non seulement ignore mais écrase les singularités propres au monde du vivant et de la culture. Mettant à mal nos possibilités mêmes d'agir, de penser, de désirer et d'aimer... Contre cette menace, Miguel Benasayag invite à envisager un mode d'hybridation entre la technique et les organismes qui ne soit pas une brutale assimilation. Cela passe par la production d'un nouvel imaginaire, d'un nouveau paradigme capable de nous aider à étudier ce qui, dans la complexité propre au vivant et à la culture, n'est pas réductible au modèle informatique dominant.
En 1960, Michel Serres a 30 ans. Il n'a encore publié aucun livre (le premier paraîtra en 1968) et se prépare. Dans ses Cahiers de formation, publiés parallèlement en version intégrale, Michel Serres mêle esquisses de thèse, brouillons d'articles, notes de lectures, réflexions sur l'époque, sur le monde et sur lui-même. Des 18 cahiers manuscrits, ce fac-similé retient les pages les plus caractéristiques, donnant à voir l'écriture soignée, au sens figuré comme au sens propre, du futur auteur de Petite Poucette, dans cette sorte de « journal philosophique ». Publié dans le cadre d'une exposition qui se tiendra à la BNF au cours d'une journée d'étude consacrée à ces manuscrits inédits, ce volume ravira les inconditionnels de Michel Serres et tous ceux qui souhaitent entrer concrètement dans l'oeuvre en devenir de l'un des penseurs majeurs de notre temps.
Michel Serres a consacré sa vie à essayer de décrire la formidable transformation du monde présent. Dans ce livre, parfois un peu nostalgique, il se souvient du monde qu'il a connu dans sa jeunesse : la drague et les paysans d'Agen, le rugby, les paysages et les chemins, Garonne ! Mais aussi les pays qu'il a découverts ensuite et aimés, le Queyras, la mer... le monde ! Au travers de ces évocations, il nous fait réfléchir sur les transformations auxquelles nous avons assisté : l'évolution de la ville et la campagne, ce que signifie émigrer, les potentiels extraordinaires du corps, l'encyclopédie et l'enseignement, et, toujours, le rugby !
L'autre jour, j'ai tué ma volaille : un vieux canard dont le renard avait emporté le dernier compagnon et qui traînait sa neurasthénie sur le bord de la mare ; une poule bleue boiteuse. « La ferme, on l'a achetée pas trop cher, et pas trop loin de P. la capitale où se trouve le travail ; on la retape dans ce qui reste de temps. Rurbains nous sommes, en rurbains nous agissons. J. rêvait de retrouver un jardin, moi d'adopter des bêtes, des poules surtout.
Jamais nous n'avons été aussi libres, de penser, de nous exprimer, de nous déplacer. Et jamais, pourtant, nous n'avons été aussi aliénés : nous multiplions les dépendances, nous nous contraignons nous-mêmes au travail, nous nous précipitons tête baissée et yeux fermés vers notre fin, dans le grand effondrement dont nous sommes nous-mêmes la cause. Quel peut être alors le sens d'une telle liberté ? Ou plutôt : dans quel sens va-t-elle ?
Dans cet essai, Renaud Hétier soutient que la liberté n'est pas, ne peut plus être un « arrachement » à la nature. Retomber sur terre ? Oui, du moins la sentir sous nos pieds, éprouver le soutien que la nature apporte à notre liberté. De ce point de vue, et contrairement à ce qu'on pense trop spontanément, la nature ne nous limite pas : elle nous invite à donner un espace où exprimer notre liberté.
Mais encore aurait-il fallu, dès l'enfance, se préparer à une telle expérience pour qu'elle soit pleinement créative. N'était-ce pas dans l'enfance que l'on a le mieux senti le monde autour de soi ?
Pour célébrer Michel Serres et la diversité de ses talents, il fallait au moins 50 voix ! Ces 50 voix se joignent aujourd'hui pour lui dire combien il a compté pour eux mais aussi combien son oeuvre les éclaire sur le grand bouleversement du monde auquel nous participons aujourd'hui et qu'il a décrit si précisément. Car l'oeuvre de Michel Serres, colossale (plus de 80 livres et un très grand nombre d'articles, sans compter des archives non encore déchiffrées), propose une lecture qui peut nous servir de tremplin pour construire l'avenir.
Parmi ces voix, des écrivains, des enseignants, des philosophes, des savants, des historiens des sciences, mais aussi des artistes, des libraires, des amis et des membres de sa famille ! Des personnalités connues et des anonymes, des français et des gens du monde entier !
Voir, être vu... Mille et une variations sur le sens qui prime sur les autres par un grand philosophe, à la vision... bien particulière !
Ce livre prend à bras le corps une question simple, à laquelle il est difficile de répondre : quel âge avons-nous ? Pour Robert Harrison, les humains n'ont pas seulement un âge biologique, évolutionnaire et géologique : ils ont aussi un âge culturel. Ils s'inscrivent dans une histoire qui préexistait à leur arrivée et continuera après leur départ.
Aujourd'hui, dans le sillage de la science et des nouvelles technologies, un écart vertigineux se creuse entre nous et nos anciens, notre présent et notre histoire, et nous fait perdre nos repères. Tout ce que nous savons avec certitude, c'est que nous sommes étrangement jeunes et immensément vieux. Cette ère où nous entrons est-elle une ère de renaissance ? de jeune essence ? Quels pièges (jeunisme, déni du passé...) menacent sa réussite ?
Combinant philosophie de l'histoire et philosophie de l'âge, pensée scientifique et savoir littéraire, Robert Harrison montre ceci : le plus grand service qu'une société puisse rendre à ses jeunes, c'est d'en faire des héritiers plutôt que des orphelins de l'histoire.
D'où nous vient la morale ? Beaucoup pensent que c'est une spécificité purement humaine, à laquelle les autres animaux seraient totalement étrangers. Nous serions moraux par choix, et non par nature. Pourtant, si l'on observe la longue lignée qui nous précède, on s'apercevra qu'elle s'est toujours préoccupée des plus faibles. Et que les membres du groupe ont su établir entre eux des liens de coopération pérennes. Force est alors de constater qu'entre les comportements animaux et ceux des humains, il y a une continuité très forte. Entre empathie animale, théorie de l'esprit, sens de la communauté et droits des animaux, les frontières se redessinent sous la plume de l'un des plus grands spécialistes des primates, pour peut-être finir par disparaître...
Ces thèses révolutionnaires, issues des leçons données par Frans de Waal à l'université de Princeton en 2003, viennent s'enrichir des réponses de trois philosophes et d'un spécialiste de la psychologie évolutionniste.
Les philosophes, et les êtres humains en général, ont toujours eu du mal à penser l'hétéroclite, le contradictoire. L'Antiquité, seul moment de l'histoire des idées à avoir réfléchi l'hybride, en a fait une figure monstrueuse, dangereuse et menaçante : le centaure. Or, avec la mondialisation et le numérique, les centaures reviennent aujourd'hui sur le devant de la scène. Les objets, les cultures, les identités, les êtres, les organisations... tout est hybride !
Seulement, nous nous sentons démunis face à ce réel composite, cet impensé qui nous entoure, que nous ne savons pas par quel bout « prendre ». De là, la crise existentielle que nos sociétés connaissent et la tentation de revenir à une réalité plus homogène - les réseaux sociaux qui créent des « bulles filtrantes », par exemple - ou à des identités plus « pures » - comme en témoignent la résurgence des nationalismes et des populismes. Le xxie siècle sera-t-il le siècle du combat entre les pur-sang et les centaures ?
Alors qu'il existe plusieurs petits ouvrages centrés sur l'urgence environnementale, qui appellent à changer rapidement nos modes de vie sans apporter de « preuve » ou d'« information » au lecteur ; qui, bien que scientifiquement correctes, se contentent de dire « l'heure est grave », Nathanaël Wallenhorst se propose d'en fournir le pendant scientifique.
Dans ce petit guide, il donne accès au grand public français aux faits de l'Anthropocène tels que relatés dans les grands articles scientifiques anglo-saxons (parus dans Nature, Science...). Dans un souci de neutralité et de pédagogie, il met le lecteur au contact avec une sélection d'articles scientifiques marquants - sur le climat, les vagues de chaleur croissantes à venir, le développement des zones de non-habitabilité humaine de la terre, la sixième extinction de masse, etc. -, en lui présentant simplement et synthétiquement les résultats exposés.
Car nous sommes convaincus que c'est informées que se forgent les prises de conscience les plus vivaces, et que se génèrent les mobilisations.
Qu'avons-nous vécu ? appris ? Qui sommes-nous ? La mémoire est cette pierre angulaire qui permet de nous souvenir et de décrypter le monde qui nous entoure, mais aussi de faire des choix en fonction de notre histoire et de nous projeter dans le futur.
Ces dernières années, nos connaissances sur la structure et le fonctionnement de la mémoire humaine ont beaucoup progressé. Les maladies de la mémoire (syndromes amnésiques et maladie d'Alzheimer essentiellement) nous renseignent, mieux que toute autre démonstration, sur cette fonction mentale au coeur de notre identité.
Véritable synthèse des connaissances actuelles, cet ouvrage permet de comprendre la mise en place progressive de la mémoire chez l'enfant comme ses modifications au cours du vieillissement.
Que cherchons-nous dans les jardins, ceux que nous cultivons jour après jour de nos propres mains, ceux où nous nous promenons pour en apprécier les beautés et nous y ressourcer ? Que retirer de l'humilité, la dévotion, la culture du soin du jardinier ?
Pour y répondre, Robert Harrison nous fait cheminer dans des jardins anglais, zen ou secrets ; déambuler dans les compositions de Le Nôtre comme dans les jardins transitoires des sans-abris new-yorkais ; et emprunter en imagination bien d'autres contre-allées fantasmées. De L'Épopée de Gilgamesh aux poètes américains contemporains, en passant par Platon, la Bible et le Coran, nous y croisons Homère, Dante et Voltaire mais aussi Rilke, Hannah Arendt, Thoreau et Mallarmé.
Autant de parcours buissonniers qui élèvent le jardin au rang d'objet philosophique, tout à la fois antidote et refuge par temps de crise et emblème de la condition humaine.
« Pour chanter les vingt ans du Pommier, mon éditrice me demanda d'écrire quelques lignes. Les voici. Pour une fois, j'y entre en morale, comme en terre nouvelle et inconnue, sur la pointe des pieds. On disait jadis de l'Arlequin de mes rêves, bienheureux comédien de l'art, qu'il corrigeait les moeurs en riant.
Devenu arrière-grand-père, son disciple a, de même, le devoir sacré de raconter des histoires à ses petits descendants en leur enseignant à faire des grimaces narquoises. Parvenus ensemble à l'âge espiègle, j'en profite pour leur dire de l'humain en pouffant de rire. » Michel Serres « Tout le monde sait qu'on appelle «occitan» toute langue régionale de la moitié méridionale de la France (grosso modo)...
Le texte que nous avons établi pour essayer de retrouver l'origine peut-être en partie inconsciente du discours - ondoyant et divers, comme chacun sait - de Michel Serres est en gascon, sa langue paterno-maternelle (son père parlait le gascon et sa mère le quercynois). Est-ce à dire que ce texte sera fermé aux non-Gascons ? Pas du tout : par la vertu de la graphie normalisée, tout Occitan peut s'en repaître. Il suffira à chacun de soumettre ce qu'il lit à l'épreuve du gueuloir, prononçant comme on le fait chez lui, sans tenir un compte trop strict de l'orthographe proposée. Bona descobèrta ! »
Aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Pia, jeune femme sage et vivante, médecin qui ne quitte guère son lieu de travail, et Pantope, homme savant, inspecteur d'Air France sans cesse en voyage, se retrouvent et discutent : "croyez-vous aux Anges ?", demande Pia. Voici le début d'un long dialogue, passionné.
"Construisons-nous, sans la voir, une culture neuve qui convoque, ensemble, sciences, droits et religions, c'es-à-dire notre raison, nos exigences de justice et nos blessures d'amour ?" Depuis les années soixante, Michel Serres prédit la construction d'une société de la commnunication incarnée par Hermès. Il nous invite ici à penser les heurs et les travers de cette ère nouvelle : au-delà des promesses incarnées par Petite Poucette, celle-ci s'accompagne d'une misère croissante et d'une révoltante inégalité ! Parviendrons-nous à nous y opposer ? "Plus de hiérarchie, des voisinages ! Plus de mépris, mais de l'équité ! Plus d'injustice, que des visites !".
John von Neumann vient de passer l'arme à gauche. Juste avant sa mort, ce génie polymath - l'architecte de l'ordinateur, c'est lui - cherchait à modéliser l'être humain ou, mieux encore : la société tout entière !
Voilà qui ne manque pas d'attirer l'oeil de Kronos, dieu de l'espacetemps et collectionneur de chemises hawaïennes. Grâce à Kronos, « Johnny » apprend à se déplacer dans l'espace-temps et en profite pour multiplier les voyages temporels dans une boulimie de rencontres : Jules César, Richard Coeur de Lion, Magellan, Mozart, sans oublier Mata Hari et surtout Audrey Hepburn, pour laquelle il a un petit faible... Décryptés et agrégés les uns aux autres, tous ces individus vont finir par lui donner la c lé de l'énigme et Johnny pourra bientôt fusionner toutes ces pensées pour en tirer le fameux algorithme du fonctionnement de la société. Mais peut-on réellement combiner « big data » et humains ?
Des drones aux robots tueurs, les machines vont-elles, à terme, remplacer les humains sur le champ de bataille ? Derrière cette interrogation qui pourrait sembler purement militaire se cache une question qui concerne notre société dans son ensemble.
Quelle place réserver aux machines douées d'intelligence artificielle dans des domaines jusqu'alors réservés à notre espèce ? Sur quels critères juger du bien-fondé de leur présence ? Et jusqu'où l'accepter ?
Entre droit, éthique et philosophie, un cas emblématique des enjeux liés au développement fulgurant des technologies.
Le philosophe est-il capable d'affronter intellectuellement les situations que subissent ceux dont la vie est confrontée à la plus extrême fragilité ? Par-delà l'émotion et l'indignation, peut-on forger des outils philosophiques qui puissent nous aider à agir ? A quoi servirait donc de philosopher, avec des concepts, des données et des images, en Haïti ou au sud du Sahara ? A dégager les logiques qui, entre raison et déraison, dictent les pires radicalisations de la souffrance et de l'humiliation dont le monde humain reste capable. A établir, au-delà de généralités convenues, d'indispensables priorités face aux exigences de la survie ou à celles d'une vie décente pour les femmes, les enfants, pour les plus vulnérables à la violence et au risque.
« Comme être humain et comme philosophe, j'ai postulé en décidant d'écrire ce livre que la philosophie, à condition de sortir de son enfermement dans les concepts et les purs principes, peut être humaine - je veux dire : prendre en charge, comme une pensée et comme un discours qui a ses spécificités, les questions que soulève le type de vacillement entre l'humain et l'inhumain qui m'apparaît constitutif de l'extrême. »