Cet essai voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien - et par conséquent dont ils ne voient pas l'immense énergie politique qu'on pourrait tirer de leur rapprochement.
D'abord la « dérégulation » qui va donner au mot de « globalisation » un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l'explosion de plus en plus vertigineuse des inégalités ; enfin, l'entreprise systématique pour nier l'existence de la mutation climatique.
L'hypothèse est qu'on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l'on ne donne pas une place centrale à la question du climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu'il n'y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C'est ce qui expliquerait l'explosion des inégalités, l'étendue des dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l'État national.
Pour contrer une telle politique, il va falloir atterrir quelque part. D'où l'importance de savoir comment s'orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les affects de la vie publique mais aussi ses enjeux.
Comment se fait-il que les arbres ne nous parlent plus ? Que le soleil et la lune se bornent à décrire en aveugle un arc à travers le ciel ? Et que les voix de la forêt ne nous enseignent plus rien ? À de telles questions répondent souvent des récits qui font de nous, « enfants de la raison », ceux qui ont su prendre conscience que les humains étaient seuls au sein d'un monde vide et silencieux.
Les peuples de tradition orale savent qu'il n'en est rien et l'enquête passionnante de David Abram leur donne raison. Plutôt qu'une prise de conscience, ce qui nous est arrivé est une brutale mutation écologique, qui a interrompu la symbiose entre nos sens et le monde.
Toutefois, ce n'est pas l'ancien pouvoir d'animation des choses qui s'est tari. Ne sommes-nous pas témoins de scènes étranges ? N'avons-nous pas des visions ? Ne faisons-nous pas l'expérience d'autres vies... lorsque nous lisons ? Et si la magie vivifiante de nos sens avait été capturée par les mots écrits ? Les mots de David Abram possèdent cette magie, et surtout, ils réactivent l'expérience d'un monde au présent. Ce monde alentour qui, en sourdine, continue à nourrir nos manières de penser et de parler, de sentir et de vivre.
Parce que la terre parle...
Sous la forme d'une magistrale enquête philosophique et historique, ce livre propose une histoire inédite : une histoire environnementale des idées politiques modernes. Il n'ambitionne donc pas de chercher dans ces dernières les germes de la pensée écologique (comme d'autres l'ont fait), mais bien de montrer comment toutes, qu'elles se revendiquent ou non de l'idéal écologiste, sont informées par une certaine conception du rapport à la terre et à l'environnement.
Il se trouve que les principales catégories politiques de la modernité se sont fondées sur l'idée d'une amélioration de la nature, d'une victoire décisive sur ses avarices et d'une illimitation de l'accès aux ressources terrestres. Ainsi la société politique d'individus libres, égaux et prospères voulue par les Modernes s'est-elle pensée, notamment avec l'essor de l'industrie assimilé au progrès, comme affranchie vis-à-vis des pesanteurs du monde.
Or ce pacte entre démocratie et croissance est aujourd'hui remis en question par le changement climatique et le bouleversement des équilibres écologiques. Il nous revient donc de donner un nouvel horizon à l'idéal d'émancipation politique, étant entendu que celui-ci ne peut plus reposer sur les promesses d'extension infinie du capitalisme industriel.
Pour y parvenir, l'écologie doit hériter du socialisme du XIXe siècle la capacité qu'il a eue de réagir au grand choc géo-écologique de l'industrialisation. Mais elle doit redéployer l'impératif de protection de la société dans une nouvelle direction, qui prenne acte de la solidarité des groupes sociaux avec leurs milieux dans un monde transformé par le changement climatique.
Le mythe grec d'Érysichthon nous parle d'un roi qui s'auto-dévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim - punition divine pour un outrage fait à la nature. Cette anticipation d'une société vouée à une dynamique autodestructrice constitue le point de départ de La Société autophage. Anselm Jappe y poursuit l'enquête commencée dans ses livres précédents, où il montrait que la société moderne est entièrement fondée sur le travail abstrait et l'argent, la marchandise et la valeur.
Mais quel type de subjectivité le capitalisme produit-il ? Pour le comprendre, il faut renoncer à l'idée, forgée par la Raison moderne, que le « sujet » est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l'intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd'hui le réceptacle d'une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.
Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l'illimitation et à la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu'Anselm Jappe appelle la « pulsion de mort du capitalisme » : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres « gratuits » qui précipite le monde des hommes vers sa chute.
Aux États-Unis, la recherche militaire s'intéresse de près à un oiseau migrateur, le bruant à gorge blanche. Sa particularité : pouvoir voler plusieurs jours d'affilée sans dormir. Les scientifiques qui l'étudient rêvent de façonner, demain, des soldats insomniaques, mais aussi, après-demain, des travailleurs et des consommateurs sans sommeil.
« Open 24/7 » - 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 -, tel est le mot d'ordre du capitalisme contemporain. C'est l'idéal d'une vie sans pause, active à toute heure du jour et de la nuit, dans une sorte d'état d'insomnie globale. Si personne ne peut réellement travailler, consommer, jouer, bloguer ou chater en continu 24 heures sur 24, aucun moment de la vie n'est plus désormais exempt de telles sollicitations. Cet état continuel de frénésie connectée érode la trame de la vie quotidienne et, avec elle, les conditions de l'action politique.
Dans cet essai brillant et accessible, Jonathan Crary combine références philosophiques, analyses de films ou d'oeuvres d'art, pour faire un éloge paradoxal du sommeil et du rêve, subversifs dans leurs capacités d'arrachement à un présent englué dans des routines accélérées.
Troisième volume des Écrits d'Étienne Balibar, cet ouvrage rassemble des textes rédigés sur plus de trente ans, et pour certains inédits, consacrés à la « cosmopolitique » et à l'alternative aux formes présentes de la mondialisation capitaliste, dans une perspective résolument internationaliste.
La cosmopolitique n'est ni une discipline comme la géopolitique ni une tradition philosophique (comme le cosmopolitisme des Lumières et du romantisme) : elle est un problème pratique collectif ouvert. Et celui-ci est devenu d'une urgence extrême depuis que la catastrophe climatique, à laquelle s'ajoute maintenant la pandémie, ont fait virtuellement de l'humanité un sujet politique unifié. Mais qui doit devenir aussi un sujet actif.
Les objets d'une telle réflexion ont surgi pour l'auteur au détour d'événements très différents : les tensions entre l'idée cosmopolitique et la pratique internationaliste ; l'articulation entre les formes de la guerre et le devenir de la forme-nation ; le statut « local » et « mondial » des frontières à la lumière de l'alternative entre guerre et traduction ; enfin, la question du droit d'hospitalité que porte l'errance des réfugiés et des migrants, cette part mobile de l'humanité que la communauté des États traite aujourd'hui non en étrangers, mais en ennemis.
Dans l'épilogue sont tirées quelques leçons du Covid-19 qui élaborent l'idée d'une politique de l'espèce humaine, en ciblant particulièrement le problème de la santé commune et de l'égalité d'accès aux ressources de protection et de soin.
Les individus ont souvent - à raison - le sentiment de vivre dans une société du mépris. Ils perçoivent que l'accroissement des possibilités de réalisation de soi conquises au cours du XXe siècle donne lieu aujourd'hui à une récupération de ces idéaux par le néolibéralisme. Comment expliquer que les progrès des décennies passées soient à ce point détournés pour légitimer une nouvelle étape de l'expansion capitaliste ? Comment, à l'inverse, concevoir une théorie critique de la société lorsque les exigences d'émancipation dont elle se réclame se muent en idéologie ?
Autant de questions abordées ici par Axel Honneth, à la lumière d'une pensée profondément originale. Inscrit dans le sillage de la philosophie sociale de l'École de Francfort dont il est un des représentants contemporains majeurs, il s'emploie surtout à mettre au jour les « pathologies sociales » du temps présent. Cette démarche s'inscrit au plus près de l'expérience sociale des sujets sociaux soumis au mépris et s'articule avec force à une morale de la reconnaissance.
Ce livre traduit un effort rigoureux pour concevoir une nouvelle théorie critique de la société offrant des perspectives précieuses pour affronter certains enjeux politiques et sociaux majeurs du XXIe siècle.
Initialement publié en 2003, ce livre présente de manière à la fois précise et tranchante le courant de critique sociale connu sous le nom de « critique de la valeur » et initié en Allemagne par Robert Kurz dans les années 1980. Procédant à une relecture de l'oeuvre de Marx bien différente de celle donnée par la quasi-totalité des marxismes historiques, ce courant propose des conceptions radicalement critiques de la société capitaliste, tout entière régie par la marchandise, l'argent et le travail.
Anselm Jappe insiste notamment sur un aspect aussi central que contesté de la « critique de la valeur » : l'affirmation selon laquelle, depuis plusieurs décennies, le capitalisme est entré dans une crise qui n'est plus cyclique, mais terminale. Si la société fondée sur la marchandise et son fétichisme, sur la valeur créée par le côté abstrait du travail et représentée dans l'argent, touche maintenant à sa limite historique, cela est dû au fait que sa contradiction centrale - qu'elle porte en elle depuis ses origines - est arrivée à un point de non-retour : le remplacement du travail vivant, seule source de la « valeur », par des outils technologiques de plus en plus sophistiqués.
On assiste depuis la seconde moitié des années 1990 au retour de la critique sociale et politique. Dans la rue, mais pas seulement. La bataille des idées fait rage elle aussi. Développée par des auteurs comme Toni Negri, Slavoj Zizek, Alain Badiou, Judith Butler, Giorgio Agamben, Fredric Jameson, Wang Hui, Moishe Postone, Gayatri Spivak ou Axel Honneth, la pensée radicale est de retour.
Quelles sont ces théories qui accompagnent l'émergence des nouvelles luttes sociales ? En quoi se distinguent-elles de celles qui caractérisaient le mouvement ouvrier dans ses formes traditionnelles ?
Ce livre rend compte de la diversité de ces nouvelles pensées : théorie queer, marxisme et postmarxisme, théorie postcoloniale, théorie de la reconnaissance, poststructuralisme, néospinozisme, etc. Il montre également l'unité qui sous-tend ces courants, tous produits des défaites subies par les mouvements de contestation des années 1960 et 1970.
Cet ouvrage se veut une cartographie intellectuelle, un instrument d'orientation dans le nouveau paysage des pensées critiques, dans une perspective internationale.
Que signifie « protéger la nature » ? Répondre à cette question concrète, urgente, suppose d'affronter une question proprement philosophique. Car la notion même de « nature » ne va plus de soi. On a pris l'habitude d'aborder l'environnement à partir des oppositions entre nature et culture, naturel et artificiel, sauvage et domestique, que la globalisation de la crise environnementale a effacées : le changement climatique remet en cause la distinction traditionnelle entre histoire de la nature et histoire humaine.
Ces oppositions tranchées n'ont plus lieu d'être, mais leur effacement ne signifie pas pour autant le triomphe de l'artifice. On peut continuer à parler de « nature » et même en parler mieux, parce qu'il n'y a plus à choisir entre l'homme et la nature, mais plutôt à se soucier des relations entre les hommes, dans leur diversité, et la diversité des formes de vie. Que l'on s'intéresse à la protection de l'environnement, aux techniques ou à la justice environnementale, cet ouvrage montre qu'il est possible de concilier le souci de la nature, la diversité des cultures et l'équité entre les hommes ; et qu'il existe aussi des manières d'agir avec la nature et pas contre elle.
« Penser globalement, agir localement. » À tort ou à raison, on a fait de Jacques Ellul (1912-1994) l'inventeur de cette formule rassembleuse qui, associée à son combat pour la protection de la nature et à sa critique du technocapitalisme, a contribué à son statut d'icône écologiste. Ce livre expose l'itinéraire singulier de celui qui se définissait comme un « intellectuel actif ». Il résume et met en perspective ses analyses dans six domaines principaux : la technique, l'information-propagande, la politique, la révolution, l'écologie et la théologie, avec la liberté pour toile de fond. Il a pour ambition de donner un panorama complet des principales thèses d'un auteur à l'oeuvre prolifique et dont l'actualité confirme le caractère prophétique.
De Star Wars à Lady Gaga, de Superman à Matrix, tubes, blockbusters et best-sellers forment aujourd'hui les facettes d'une culture de masse omniprésente. Un philosophe analyse le phénomène : qu'est-ce que la « pop culture » ? Et que change-t-elle pour nous, son public ? Avant d'être la sensibilité de la jeunesse des années 1960 ou un genre musical qui mêle tous les sons de la table de mixage, la pop est d'abord une stratégie, un calcul industriel alimenté par une seule obsession : savoir ce que veulent les masses.
La pop culture est un ogre qui ingère tout ce qu'il trouve. Mais cette logique de réappropriation l'ouvre paradoxalement aux déclassés, aux freaks et aux minorités en tout genre. Ce qui s'y joue est d'abord l'invention de nouvelles identités, de nouvelles communautés.
Richard Mèmeteau analyse chansons, films, comics, romans et séries pour répondre à des questions essentielles comme : pourquoi les bluesmen demandent-ils au diable de savoir mieux jouer de la guitare ? Que doivent les blockbusters hollywoodiens aux travaux d'un universitaire spécialiste de mythologie comparée ? Et si Yoda est si malin, pourquoi laisse-t-il Luke Skywalker faire tout le boulot ?
Le monde est devenu complexe. Ce constat, mille fois énoncé sur le ton de l'évidence, est à ce point partagé que plus personne ne le questionne. Mais en quoi les arbres, les villes, les écosystèmes comme l'ensemble des êtres et des choses qui nous entourent, y compris nous-mêmes, se seraient transformés sous la figure de la complexité ? Pour les auteurs, cette complexité ne relève ni d'un récit ni d'une théorie, mais d'une transformation concrète de nos territoires. Plus qu'une grille de lecture, le devenir complexe du monde désigne de profonds changements matériels dans l'étoffe même de la réalité. Comment se manifeste ce caractère matériel ? Quels défis lance-t-il à l'agir ? Alors qu'émergent partout de nouvelles formes de résistance face la destruction du vivant, c'est à ces questions qu'entend répondre ce livre, pour battre en brèche le sentiment d'impuissance qui menace à tout moment de nous rattraper.
Plutôt que d'appeler au retour de la figure de l'agir cartésien qui se prétend maître et possesseur de la nature, les auteurs proposent de revisiter la phénoménologie en déplaçant le rôle central qu'elle accorde à la conscience vers les corps. Un pas de côté qui se veut également une proposition pour une nouvelle éthique de l'acte, où la question est moins de savoir comment agir que de comprendre quelles seront les nouvelles figures de l'agir.
Un essai engagé et stimulant, explorant les possibilités de renouer avec un agir puissant dans un monde où les phénomènes comme les effets de nos actes sont marqués du sceau de l'incertitude.
« Dans ce travail, je poursuis deux objectifs. L'un consiste à rectifier les erreurs les plus graves de Théorie de la justice, qui ont obscurci les idées principales de la justice comme équité, ainsi que j'ai nommé la conception de la justice présentée dans ce livre. Comme j'ai toujours confiance en ces idées, et que j'estime que les difficultés les plus importantes peuvent être résolues, j'ai entrepris cette reformulation [...].
« L'autre objectif est de mettre en relation, dans le cadre d'une présentation unifiée, la conception de la justice présentée dans Théorie de la justice avec les principales idées qui figurent dans mes essais publiés à partir de 1974. Théorie de la justice est un livre de plus de six cents pages, et les essais les plus importants (qui sont à peu près une dizaine) portent le total à près de mille pages. De plus, les essais ne sont pas parfaitement compatibles entre eux, et les ambiguïtés de l'exposé de certaines idées - par exemple, celle d'un consensus par recoupement - rendent difficile d'y voir une position claire et cohérente. Le lecteur intéressé a droit à une aide pour comprendre la manière dont les essais et Théorie de la justice peuvent se compléter, pour déceler les endroits où les révisions interviennent, et pour apprécier le changement qu'elles représentent. » John Rawls.
Ce recueil d'articles, publié pour la première fois en 1965 aux Éditions François Maspero, a connu un succès exceptionnel pour un ouvrage théorique : plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires vendus et de très nombreuses traductions. Comme le note Étienne Balibar dans son avant-propos de 1996 : « Dans ce livre s'est engagée l'une des tentatives les plus originales, les plus éloquentes, les plus argumentées aussi [...] pour donner corps et figure théorique au marxisme. » Depuis les années 1960, les études marxistes n'ont pu ignorer cette approche qui établissait une « coupure épistémologique » dans l'oeuvre marxienne, séparant les textes idéologiques du jeune Marx de ceux plus scientifiques du Marx de la maturité. Elle offrait aussi une autre évaluation de l'apport de Hegel à Marx et n'hésitait pas à s'inspirer des réflexions philosophiques de Mao Zedong pour nourrir sa propre philosophie. Rares sont les livres ayant suscité autant de passions théoriques et provoqué autant de débats.
Penseur singulier, inspiré notamment par Jean-Paul Sartre, André Gorz (1923-2007) pose sans relâche la question fondamentale du sens de la vie et du travail, maintenant le cap sur la liberté et l'émancipation du sujet. Existentialiste, marxiste atypique, anticapitaliste, il est aussi l'un des premiers artisans de l'écologie politique.
Au fil du temps, ses réflexions ont porté sur l'aliénation de l'homme contemporain, la question du travail à l'époque de l'automatisation, la libération de la vie tandis que s'imposaient l'urgence écologique et la nécessaire décroissance, la précarité et le dépassement du salariat. Une pensée audacieuse qui refuse le conformisme et le confort de positions établies pour explorer de nouveaux champs et rendre à l'humain toute sa place.
En 2005, François Noudelmann a mené un long entretien avec le philosophe, pour partie diffusé sur France Culture. Penser l'avenir restitue la totalité de ces échanges qui revisitent le parcours de Gorz, et offrent une introduction accessible à son oeuvre.
Avec Charles S. Peirce et William James, John Dewey (1859-1952) est un fondateur de la philosophie pragmatiste. Connu pour sa théorie de l'éducation par l'expérience, pour sa philosophie de l'art ou pour sa théorie de l'enquête, il s'est aussi attelé à la tâche de « reconstruire » la philosophie sociale. Son projet fait de lui un fondateur de la démocratie radicale et participative. Au lieu de se limiter au rôle de la critique sociale, Dewey a pour ambition de proposer une définition du « social » telle que la « société » soit mise en quelque sorte « à la portée » de ses membres.
Les questions qui animent ses textes de 1898 à 1948 sont les suivantes : comment concevoir la société et la socialisation de manière à garantir une « action sociale » efficace qui soit, en fonction des circonstances, individuelle, commune ou collective ? Comment se représenter la société non seulement pour supprimer tout un cortège de faux problèmes, mais surtout pour atténuer les divers blocages qui menacent ou même suppriment la participation des individus à l'existence des groupes dont ils sont membres et, ce faisant, leur individualité ?
Cet ouvrage est de première importance pour les sciences et la philosophie sociales. Au travers d'un panorama d'ensemble de toute la tradition de la Théorie critique, de Max Horkheimer à Jürgen Habermas, Axel Honneth y élabore en effet les linéaments d'un chemin conceptuel propre tout en tirant certaines conséquences déterminantes pour la suite de son travail, lequel l'a conduit par la suite à l'élaboration de sa désormais célèbre théorie de la « reconnaissance sociale ». C'est aussi dans Critique du pouvoir qu'Axel Honneth développe son importante critique à l'encontre de la conception irénique de la société de Habermas, en insistant sur la nécessité de développer une théorie du conflit et de la lutte.
Mais cet ouvrage offre surtout une lecture tout à fait singulière de l'oeuvre de Michel Foucault, dont il inscrit la contribution dans la filiation de la Théorie critique de l'École de Francfort. La relation entre Foucault et la Théorie critique, souvent évoquée sans être vraiment discutée, trouve ici une explicitation remarquable. En Allemagne, Critique du pouvoir a joué un rôle essentiel dans la réception de l'oeuvre de Foucault, dans le contexte polémique de la tension entre Habermas et le postmodernisme français.
Comment transformer les définitions communes de la justice sociale afin qu'elles puissent rendre compte des formes aujourd'hui les plus caractéristiques de l'injustice sociale ? Comment leur faire rendre compte des luttes effectives contre l'injustice mais aussi des souffrances de « ceux qui ont trop à dire pour pouvoir le dire » ?
Telles sont les questions auxquelles ce livre se propose de répondre. Dans une démarche originale, Emmanuel Renault reprend et élargit la théorie de la reconnaissance élaborée par le philosophe allemand Axel Honneth, afin de proposer une grammaire des luttes sociales, mais aussi une grille d'analyse de ces injustices que les luttes sociales prennent rarement en charge. Dans cette perspective, l'auteur procède à un examen critique des théories contemporaines qui structurent notre pensée politique et sociale.
Ce livre soutient que la philosophie doit prendre l'expérience de l'injustice au sérieux car c'est en elle que se déterminent les enjeux des discours sur la justice. Il offre un argumentaire global au service de ceux qui font l'expérience quotidienne de l'injustice et sont en conséquence intéressés à la transformation de l'ordre social existant.
Aussi bien sociologue, historien ou philosophe qu'économiste, Thorstein Veblen (1857-1929) est une figure majeure de l'histoire des sciences humaines et sociales. Ce livre vise à faciliter l'accès du public francophone à sa pensée en en proposant une lecture systématique. Après avoir restitué le parcours de Veblen, il présente les différents volets de son travail : il revient sur son projet d'une science économique évolutionnaire, sur sa contribution au développement d'une approche institutionnaliste des dynamiques économiques avant d'interroger le type de critique sociale dont relève sa théorie de la classe de loisir. Il analyse enfin ses idées politiques et les enjeux pratiques de sa réflexion.
Cet ouvrage veut ainsi rendre compte de la façon dont le travail de Veblen se situe au carrefour de plusieurs disciplines des sciences sociales. Mais il a aussi pour ambition d'éclairer la manière qu'a Veblen d'articuler réflexion scientifique et critique sociale. Cela implique, notamment, de montrer en quoi son oeuvre peut être relue dans les termes d'une théorie et d'une critique du pouvoir économique. La notion de théorie du pouvoir permet d'articuler entre elles les différentes facettes du travail de Veblen et d'apporter un éclairage sur son actualité.
Montée en puissance de la figure d'un nouvel « ennemi », le terroriste, « combattant irrégulier » sans territoire, mise en place dans les démocraties de législations attentatoires aux libertés publiques, remise au goût du jour de la notion d'« état d'exception » : notre actualité semble convoquer de manière frappante les analyses du célèbre philosophe et juriste allemand Carl Schmitt (1888-1985). Mais quel sens peut-on donner aux usages politico-théoriques de la pensée d'un auteur dont on connaît bien aujourd'hui le ralliement actif au nazisme ? Dans quelle mesure, et à quel prix, Carl Schmitt nous aide-t-il vraiment à penser notre présent ?
Jean-Claude Monod s'efforce ici d'apporter des réponses à ces questions. Il montre que des philosophes marqués à gauche ont ainsi puisé, eux aussi, chez le juriste le plus controversé du XXe siècle, les instruments d'une critique du nouvel impérialisme mondial. Mais Schmitt est-il vraiment le meilleur critique des confusions de la « guerre contre le terrorisme » ? N'est-il pas au contraire l'une des sources cachées des raisonnements juridiques qui servent aujourd'hui à légitimer la suspension des normes humanitaires et constitutionnelles les plus fondamentales ?Ce livre montre qu'on ne peut aujourd'hui ni ignorer ni lire naïvement ce penseur des limites de la raison libérale.