Eros et libido, sexe et genre : Les mots se succèdent depuis un peu plus d'un siècle pour dire la dualité et le rapport entre hommes et femmes.
Si l'on cherche l'objet philosophique, on trouve l'expression " différence des sexes ", " Geschlechterdifferenz " sous la plume hegelienne. Quant au genre, ce mot fait le pari de brouiller les pistes des représentations contraintes qui assignent chaque sexe à sa place. Et si, toute terminologie confondue, on s'en tenait à ce que la " différence des sexes " est une catégorie vide ? Alors, on se situerait " à côté du genre ", à côté des affaires de définition et d'identité, pour établir le repérage des lieux où sont pensés les sexes, dans leur tension, leur décalage, leur disparité au regard du contemporain démocratique.
Au fond, la démarche est inversée : il ne s'agit pas de voir ce qu'il en est du sexe et du genre, mais de dire ce qui surgit dans la pensée quand égalité et liberté révèlent des enjeux sexués dans la politique et la création, l'économique et le corps, la pensée et l'agir.
On a souvent confronté la tradition critique issue de l'École de Francfort (incarnée notamment par Habermas) et la pensée critique de Foucault, autour de la problématique de la modernité et de la rationalité. Ce volume prend un autre chemin pour proposer des croisements entre les « pensées critiques ». Il met en dialogue l'École de Francfort, entendue dans la pluralité de ses courants, depuis le projet d'Adorno et Horkheimer jusqu'à son renouvellement par Habermas et Honneth, avec d'autres pensées qui ont émergé en France, issue de Foucault et d'Althusser, du poststructuralisme et de la déconstruction, mais aussi des penseurs défendant un « retour au politique » (Lefort, Castoriadis et Rancière). Il rend compte de la recherche en train de se faire sur la pensée critique, par des chercheuses et chercheurs de renoms (Oliver Marchart, Harmut Rosa, Axel Honneth, Daniel Loick et Eva von Redecker) mais aussi par de jeunes chercheurs développant des problématiques nouvelles.
Ce livre est un essai d'autobiographie intellectuelle et existentielle. Il cherche à saisir comment les thèmes d'un travail philosophique sont nés de motifs apparus durant l'enfance et l'adolescence de l'auteur.
FAIRE CONFIANCE, ON FAIT CELA TOUS LES JOURS.
PAS UNE INTERACTION SOCIALE NE POURRAIT AVOIR LIEU SANS UN MINIMUM DE CONFIANCE. Pendant l'épidémie de coronavirus qui gagna notre planète au printemps 2020, aucun concept philosophique ne fut davantage mobilisé : confi ance dans les institutions, dans le gouvernement, dans le personnel sanitaire, dans les experts virologues et... les uns envers les autres. Tout se passait comme si le virus avait mis à nu le lien invisible qui tenait notre monde ensemble.
Et c'est justement une chose qui intrigue : qu'elle soit si omniprésente dans nos interactions sociales, et que les théoriciens de la société se soient si peu attachés à la défi nir. Élaborer une théorie unifi ée de la confi ance est pourtant loin d'être un exercice purement académique : il en va de la réalité humaine elle-même. Car la confi ance est non seulement la force de liaison élémentaire qui nous lie les uns aux autres, mais le coeur de notre rapport au monde en général : au début est la confi ance.
S'appuyant sur une doctrine du sujet libre à deux niveaux, il reconnaît la légitimité d'un bonheur-confort mais en souligne, lui aussi, les insuffisances et les fragilités.
Il propose alors sa propre doctrine d'un bonheur totalement différent. Elle repose sur un premier acte de conversion réflexive et, confiant dans les capacités de l'être humain, il décrit un tout-autre bonheur.
Constitué par l'autonomie, la réciprocité et la jouissance charnelle et spirituelle. Cette doctrine à la fois rationnelle et existentielle débouche sur une visée politique, celle d'une démocratie heureuse.
Ce livre aborde l'expérience de la solitude. Non pas cette espèce de solitude qu'est l'isolement médiatique dû à la faible diffusion, à la modeste réception d'une oeuvre faite de nombreux livres. La « notoriété », simple valeur honorifique, ne saurait être par elle-même une valeur digne d'intérêt puisqu'elle ne concerne que des individus considérés seulement dans leur « amour propre », cette libre attitude si détestable, si égocentrique et donc si peu apte à fonder quelque éthique que ce soit.
La solitude à laquelle je songe est ce sentiment d'isolement et de séparation qui peut survenir en chacun à l'occasion d'une épreuve douloureuse qui ne pourrait être partagée, ou d'une situation sociale de crise ou de conflit, ou bien encore de heurt des « identités ».
Cette solitude, que j'ai parfois vécue (comme beaucoup d'autres) avec une grande intensité, était « sociale », mais comportait des strates implicites de nature affective : solitude dans les relations sociales, face, par exemple, à l'indifférence profonde de mes contemporains à l'égard d'événements dramatiques survenus en des régions lointaines et me concernant au plus profond de moi-même ; solitude parfois aggravée et soulignée par une séparation affective, une divergence existentielle au coeur même de la relation. Cette double solitude a motivé en moi un redoublement, une focalisation particulière de la conscience de moi-même. J'en vins à me demander quels moyens étaient à ma disposition pour surmonter cette « crise » de la relation.
Qu'est-ce que la liberté, l'égalité et la démocratie ?
Pourquoi faut-il être libre ? En Asie, les Japonais des années 1870-1880 ont été les premiers à se poser ces questions. L'établissement d'un régime impérial autoritaire n'était pas une fatalité et le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple animait les premières revendications démocratiques, dans un contexte de découverte enthousiaste de la culture et des institutions européennes. L'une des grandes figures de ce mouvement, Nakae Chômin (1847-1901), fut surnommé le « Rousseau de l'Orient » par son introduction de Rousseau et ses écrits défendant la liberté et la démocratie, le pacifisme ou encore l'abolition de la peine de mort. Mais il fut aussi le traducteur et l'introduction du républicanisme français, entreprise peu connue, qui visa formuler une version japonaise du socialisme libéral. Cette tentative fut sous-tendue par une introduction de la philosophie européenne dont Chômin fut le pionnier.
Dans la perspective de l'histoire intellectuelle et du transfert culturel, à travers une démarche nouvelle, l'examen de l'oeuvre de traduction de Chômin et de ses élèves, le présent ouvrage se propose d'analyser les modalités de cette introduction, le rôle de la traduction des républicains français, et d'inscrire celle-ci dans son contexte politique, philosophique et social. C'est toute la complexité de l'invention de la démocratie en Asie qui se révèle ainsi, puisque les débats qui animèrent le Japon des années 1870-1880 furent la matrice de toute la culture politique moderne du continent.
Le point fort du livre est de proposer la première étude en français sur l'introduction et la traduction des concepts fondamentaux de la philosophie politique moderne, notamment ceux de liberté et d'égalité, ainsi que sur la naissance des premiers partis.
L'ouvrage montre également comment ce processus de transfert se décline en projet politique porté par un des premiers intellectuels du Japon moderne, Nakae Chômin (1847-1901), et s'inscrit dans un contexte de débats à l'origine du Japon et de l'Asie contemporaine.
AVEC LE COVID-19, UNE AUTRE ÉPREUVE, PHILOSOPHIQUE CELLE-LÀ, NOUS ATTEND. EN EFFET, QU'ALLONS-NOUS RÉPONDRE À NOS ENFANTS QUI NOUS DEMANDERONT DES COMPTES ET, QUI SAIT, NOUS REPROCHERONT NOS NIAISERIES SENTIMENTALES ? Leur expliquer que nous étions partis en croisade contre la fi nitude car nous ne supportions plus la mort, quitte, dans notre désinvolture, à sacrifi er une génération et à briser un monde que nous n'étions pas sûrs de pouvoir réparer ?
Dans cet essai magistral, écrit en mai 2020 et placé sous les auspices de Havel, Patocka et Arendt, la philosophe, revient sur l'étrangeté de notre réponse au Covid-19 à la lumière de cette question de portée civilisationnelle, mais jamais posée :
Que risquons-nous à ramener l'homme à la vie et à ériger celle-ci en valeur suprême ?
Le grand Confi nement nous semblait de bon sens ? Nos héritiers y verront sans doute une mesure moyenâgeuse, pour une folle plongée collective dans l'inconnu, un Apocalypse tomorrow populiste garanti, pour ne rien dire de son bilan churchillien. Car non seulement confi ner et punir ne nous aura pas protégés de l'épidémie, mais cette décision extrême aura précipité le pays dans une crise plus profonde que partout ailleurs.
- La croyance en un fondement réel de nos mythes - La croyance en la réalité d'êtres spirituels, éthérés - La croyance en une Vie après la vie - La croyance en la réincarnation - La croyance en l'existence de divers plans de réalité - La croyance dans l'autosubsistance de la conscience - La croyance dans une vocation des êtres humains à la paix - La croyance en l'existence de visiteurs extraterrestres - La croyance aux civilisations antédiluviennes avancées Avec Internet, ces croyances s'agglutinent en un imaginaire, un « pays des merveilles » qui entre parfois en résonance avec certaines embardées de la vulgarisation scientifi que.
Le phénomène mérite d'être pris au sérieux. Il est permis d'y voir un appel à élargir notre conception de ce qui est réel ou irréel, possible ou impossible. La question métaphysique par excellence se maintient :
Qu'est-ce que le réel ?
L'auteur pose la question de l'impact de ces « embardées » scientifi ques et discute les conséquences en ce qui concerne une éventuelle reconfi guration de nos rapports au monde.
Tout en engageant des « discussions » parfois serrées avec des philosophes, en particulier ceux de l'idéalisme allemand et de sa postérité, l'ouvrage reste en prise sur l'actualité sociale, idéologique et politique, sans renoncer à esquisser les linéaments d'une théorie critique de la société, singulièrement dans l'Union européenne.
Quels sens, quelle valeur, quelle portée pour la pensée et pour la pratique politique est-il possible d'attribuer au concept de theatrum philosophicum, de philosophie- théâtre ? À travers l'oeuvre de Michel Foucault, ce livre parcourt les concepts, les textes et les instruments dramatiques utilisés par le philosophe, pour interroger ce que le théâtre peut « faire » à la philosophie, lorsque cette dernière renonce à un idéal de systématicité pour devenir pratique d'invention.
Plusieurs noyaux conceptuels liés au champ sémantique du théâtre sont abordés, traversant diagonalement l'ensemble de la production foucaldienne : le tragique et la tragédie ; le double ; le simulacre ; la fiction ; les dramatiques de la vérité ; les scènes politiques et résistantes des corps. Le théâtre se révèle être un instrument extrêmement fécond pour reproblématiser la pensée de Michel Foucault dans toute sa valeur théorique et pratique, sans la réduire à des formules abstraites, universelles, préconçues.
En dessinant un chemin entre théâtre et philosophie (ou mieux : un parcours qui utilise le théâtre pour repenser l'espace et le rôle de la philosophie), et en acceptant les ambiguïtés intrinsèques à un usage souvent indirect et métaphorique de la conceptualité théâtrale, cette recherche conduit à formuler une hypothèse claire : grâce à ses dimensions de dédoublement, redoublement et mise à l'épreuve publique, corporelle, différentielle du réel, le théâtre est une force d'expérience qui dit de manière emblématique la puissance critique au coeur de la philosophie foucaldienne. La théâtralité, loin d'être une dimension esthétisante et marginale des analyses de Foucault, peut en représenter le fil rouge en tant que mouvement de déplacement, déprise et réélaboration perpétuelle de soi : une performance politique. Elle est un autre nom pour cet élan d'altération que la pensée de Foucault a toujours revendiqué comme sa tâche fondamentale.
Le parcours initiatique d'un jeune écrivain à travers les relations tissées avec Jabès, Derrida, du Bouchet, dans les années 70 et au-delà... en insistant sur la rencontre et sur la fi liation.
Né en 1950 dans une famille juive dite « assimilée », fanatique de rock, l'auteur découvre par hasard les grands critiques d'alors alors qu'il se destinait à un travail de journaliste musical.
La lecture de Derrida l'ouvre à un monde insoupçonné : à la jointure de la pensée et du judaïsme. Derrida lui fait découvrir Jabès, la poésie et le Livre.
« Je les ai très vite rencontrés et aimés ; la part de l'aventure humaine est indissociable du chemin d'écriture qui a alors commencé ».
Il rencontre André du Bouchet à l'occasion de l'enregistrement du Bon plaisir pour France Culture où il travaille comme producteur. L'oeuvre de du Bouchet devient une source de réfl exion inépuisable sur la poésie.
Il s'agit donc de trois portraits de « pères spirituels », trois grandes fi gures, poètes, penseurs et juifs à des degrés divers. Visages contre visages, se dessinera le portrait de l'un, et dans les creux l'autoportrait (à peine) imaginaire des autres, de l'Autre...
Tous les sujets recherchent le « bonheur », qui est l'accomplissement de soi.
Face à ce que l'on appelle « la crise » l'auteur propose un bouleversement total, une conversion des habitudes de pensée et des manières d'agir. Le désir de « bonheur » est la quête de tous.
En creusant l'essence de la crise, il met en évidence en chacun l'existence d'un grand Désir, animant tous les désirs empiriques.
Pour dépasser la crise, l'auteur propose d'abord, schématiquement, une doctrine unitaire dépassant le clivage de l'éthique et de la politique. La Visée est alors défi nie comme l'accès à un Préférable (l'amour, le bonheur), c'est-à-dire une vie choisie, à la fois dense et dynamique, fondée sur les principes de l'autonomie, de la réciprocité et de la jouissance.
Ce but ne saurait être atteint sans que, au préalable, n'aient été remplies deux conditions incontournables : une théorie neuve du sujet (avec une liberté à deux niveaux) et une critique du déterminisme social.
Cette action ne peut être réellement effi cace que si elle concerne d'abord l'éducation, source de toute société et de toute vie personnelle. L'auteur décrit les principes et l'esprit d'une éducation accordée à la visée eudémoniste. Et il souligne ses rapports à la philosophie. Mais l'éducation ne peut être effi cace sur le long terme que par l'action de médiateurs actifs, Partis, syndicats, associations, medias, édition, tous ayant renouvelé leur esprit.
Ce qui est proposé n'est pas une utopie mais la prise conscience de la réalité intégrale des sujets humains comme Désir profond et comme liberté à deux niveaux.
Chacun est responsable du pire et du meilleur. Mais seuls des sujets éclairés peuvent remplacer une démocratie souff rante et un personnel politique hésitant par une démocratie heureuse et un personnel politique motivé.
Une lecture originale du projet foucaldien d'une histoire de la vérité : pour ce faire, nous nous appuyons sur les outils théoriques et méthodologiques élaborés par Foucault dans Le pouvoir psychiatrique et dans Du gouvernement des vivants, et nous soutenons la nécessité de sortir d'une conception « logico-scientifique » de la vérité afin d'explorer les dimensions proprement éthiques et politiques de la pratique du dire-vrai. Ainsi, nous abordons également l'étude foucaldienne de la parrêsia antique. Pourtant, en allant au-delà de ce que Foucault a pu dire à ce propos, c'est à travers une analyse détaillée de la parrêsia en tant qu'acte de langage, et grâce à une confrontation serrée avec les travaux de John L. Austin sur l'énoncé performatif et de Stanley Cavell sur l'énoncé passionné, que nous proposons d'étudier les effets perlocutoires d'un genre d'énoncés - les énoncés parrèsiastiques - dont la fonction principale est de manifester le rapport éthique des êtres humains à la vérité.
Notre objectif, en dressant une « liste » (dont nous revendiquons le caractère provisoire et ouvert) de sept conditions nécessaires qu'un énoncé doit remplir pour pouvoir être considéré comme parrèsiastique, est de mettre en lumière tout particulièrement la valeur éthico-politique d'une vérité considérée comme une force critique à l'intérieur d'un champ de bataille, et de poser à nouveaux frais le délicat problème du rapport entre vérité et vie au sein d'une éthique et d'une politique du dire-vrai. Bref, en un sens, le problème que cet ouvrage entend poser est celui de la force du vrai, qui est bien entendu étroitement lié à celui de la force ou du pouvoir des mots. Mais le vrai - objectera-t-on - ne peut pas être une force, car la vérité n'existe que dans le domaine de la connaissance, et elle est donc libre de tout rapport de pouvoir... Autant d'idées que cet ouvrage se propose de retourner, pour montrer qu'elles ne sont des « évidences » qu'au sein d'un régime de vérité tout à fait spécifique et contingent, et que la vérité-connaissance n'est en réalité qu'une des formes possibles et historiquement existantes qu'a pu prendre la vérité.
Prélude, prologue, exorde, prémices, préambule, préliminaire, introït, orée, aurore, aube, origine et d'autres encore : autant de mots pour dire, c'est-à-dire tenter de coïncider avec l'impossible instant zéro du commencement.
Mais n'en va-t-il pas toujours ainsi de l'impossible qu'il fait d'autant plus parler qu'il échappe incessamment à la prise ?
Voilà qui justifi e la belle sentence de Georg Eliot : pas de commencement qui ne commence par une fi ction du commencement, toute histoire, du moins tout récit est à ce prix.
Il n'y en a pas moins une nécessité à cela, celle de rendre compte du nouveau qui ne découle pas de ce qui le précède sans au moins dévier ou dériver de sa ligne, comme aspiré par ce qui est à naître.
Tout commencement véritable s'entoure d'une zone d'indiscernabilité et de non-savoir qui tient à ce qu'il est en recherche de sa forme et de son issue, ce qui ne va pas sans transactions circonstancielles avec le milieu dans lequel il se fraye un chemin. C'est aussi pourquoi il ne peut se décliner qu'au pluriel, dans la diversité des milieux et des variations de rythme et d'allure qui le conditionnent et qu'il traverse, un changement important n'affectant pas l'individu, le social, le politique ou le culturel selon une même temporalité.
Pris dans un devenir autre, transformation, mutation voire métamorphose plutôt que naissance ex abrupto, le commencement remonte en amont de l'événement qui le déclare et s'étire en aval dans le déroulement de ses conséquences.
Idée simple qui oriente ce livre : du commencement il y a lieu de distinguer les processus temporels qui en créent, cas par cas, les conditions de possibilité. Commencer prend plus de temps qu'il n'en faut pour un commencement.
S'inspirant de Hannah Arendt et dialoguant avec elle, Etienne Tassin entend repenser les conditions de possibilité de l'action politique en déterminant pourquoi le pluralisme est essentiel à l'action et en quel sens la démocratie implique la souveraineté du peuple.
Ces interrogations font retour sur les mouvements sociaux contemporains qu'Etienne Tassin interroge depuis la possibilité cruciale, dans la politique, de la manifestation comme libre apparition du peuple. Ces réflexions le conduisent à des moments d'actualité qui sont autant d'interrogations serrées sur la défaite des révolutions, sur l'islamisme radical comme forme de domination, sur la construction contemporaine de l'Europe, sur la signification actuelle de la déclaration des droits de l'homme.
Au total, il s'agit là d'un essai de redéfinition de l'exercice de la citoyenneté dans le moment présent qui est le nôtre.
À quel modèle de scientificité les sciences humaines et sociales doivent-elles donc se rapporter ? Passées les références enflammées de jadis à Bachelard et à la rupture épistémologique, au positivisme logique ou empirique, à la réfutabilité de Popper, etc., la question semble presque oubliée, au profit de considérations méthodologiques à petite ou moyenne portée. Elle est pourtant toujours bien là, irrésolue.
Ce quatrième volume de la série « Th éorie critique de la crise » est consacré à l'analyse de l'actualité crépusculaire qui s'incarne violemment dans le sort réservé à la masse toujours plus importante des vies indésirables, superfl ues que le capitalisme génère. Qu'ils soient Roms, exilés (de force), chômeurs, précaires, etc., la liste des dominés et des exclus ne cesse de s'allonger à mesure que s'impose un monde qui ne cesse de mutiler la vie, les corps, les existences...
« Universel et destruction : de l'identité à l'hétérophobie », la première partie du volume regroupe des articles qui mettent en évidence la manière dont la rationalité instrumentale capitaliste repose sur un projet mortifère fondé sur une logique d'homogénéisation, d'identité, de mêmeté profondément hostile à l'altérité et à ses manifestations vivantes. À travers sa logique instrumentale, bureaucratique, administrative et technique, le capitalisme réduit la pluralité des mondes vécus à un monde unidimensionnel ayant vocation à s'imposer dans toutes les régions du monde et à tous les individus.
« Valeur et marchandisation du monde », la deuxième partie, rassemble un corpus de textes consacré à la critique du travail et de la valeur qui prend aujourd'hui tout son sens dans le contexte de mobilisation contre la loi El Khomri. Alors que le consensus politique s'établit quant à la centralité de la catégorie travail et que le pouvoir politique cherche, par tous les moyens, à soumettre les individus à une société du travail sans travail, les propositions théoriques issues notamment de la critique de la valeur nous semblent être d'une grande acuité pour penser la crise contemporaine et la dynamique autodestructrice du capital.
« Du désastre à la désolation », dernière partie de ce numéro, s'intéresse à la question du futur vers lequel la crise nous emporte. La question lancinante qui hante ces quatre volumes et qui s'impose suite au déploiement des diverses analyses faisant état de la destruction du langage et de la culture, de l'accroissement de la barbarie et de la violence aveugle sous des formes étatiques et institutionnalisées ou sous la forme de la terreur, de la réifi cation toujours plus avancée des diff érentes sphères de la vie (sexualité, connaissance et savoir, etc.), de la dévastation de l'environnement et de la nature est bien celle de l'avenir qui s'off re à nous.
L'image est aujourd'hui consommée comme si elle n'était qu'une sorte de milieu transparent d'une incontestable réalité. On a assassiné les dessinateurs de Charlie Hebdo comme si leurs caricatures n'étaient pas des dessins...
« Je n'ai pas l'impression d'égorger quelqu'un avec un feutre », disait Charb... Le feutre de Charb disparaît ; la caricature disparaît en tant que telle.
Dans cet ouvrage, Dominique Chateau nous permet de comprendre le mécanisme symbolique qui fonde le déni de la représentation, et de saisir le contexte politico-culturel où il agit, jusqu'à accompagner et justifi er parfois les actes les plus odieux. Sans néanmoins oublier qu'il accompagne tout autant notre vie quotidienne et, tout particulièrement, la pratique de l'audiovisuel et de l'Internet.
Cette enquête sur le déni de la représentation a croisé la série ininterrompue, jusqu'à ce jour, d'événements tragiques qui, aff ectant non seulement les êtres humains, mais aussi le patrimoine de l'humanité, manifestent diversement l'oubli de la représentation, tout en sachant qu'elle existe, ou que sans elle l'image n'existe pas.
Spinoza, né en 1632 et mort en 1677, n'a jamais été aussi vivant.
Adulé par les uns, dénigré ou travesti par les autres, il reste mal connu. Pour le connaître mieux vaut l'aimer et pour cela devenir familier - sans chercher à le posséder. Considérer Spinoza comme un ami c'est converser avec lui, par exemple dans son atelier d'opticien. Atelier que nous imaginons devenir un café philosophique, où nous écoutons ses leçons, lui demandons son avis sur d'autres savants, passés ou futurs, sans souci d'anachronisme. Il y côtoie Épicure, Darwin, Nietzsche, Freud, Lévinas, quelques biologistes (Uexküll, Goldstein, Gould, Atlan). Il pense souvent à Descartes et à Hobbes. Il n'oublie pas, même s'il les rejette, les rabbins qui lui ont appris à lire et à écrire.
Ce livre, composé de douze épisodes, qui peuvent être lus chacun pour soi, a été conçu - et en bonne partie « testé » en groupe - pour aider le lecteur à entrer dans le cercle des amis de Spinoza.
Jean-Claude Michéa est un philosophe désormais bien installé dans le paysage intellectuel français. Manifestant une forte fi liation avec George Orwell, sa pensée est dédiée à la compréhension de notre époque qu'il estime entièrement modelée par le triomphe de la « civilisation libérale ».
Depuis vingt ans, il contribue à renouveler l'analyse des évolutions de la société contemporaine en mettant à jour les soubassements culturels du capitalisme.
Cela passe notamment par la remise en question des catégories habituelles de la pensée et du lexique politique qu'il repense en critiquant les oppositions structurant nos représentations courantes (socialisme/libéralisme, progrès/réaction, tradition/développement, social/sociétal, peuple/ élites, etc.).
Michéa s'attache ainsi à dérégler nos boussoles traditionnelles et, ce faisant, invite son lecteur à reconsidérer le sens des clivages jusqu'alors admis, seul moyen, à terme, d'envisager une alternative politique au capitalisme libéral associé au culte de la croissance. Ses diff érentes positions lui ont valu d'être désigné comme un nouveau réactionnaire, et d'être enrôlé malgré lui par une droite intellectuelle dans la critique du féminisme, de l'antiracisme et de l'égalitarisme. Ce livre montre qu'il s'agit d'une instrumentalisation qui ne résiste pas à une lecture exhaustive de son oeuvre.
Avec quatre lettres de Siegfried Kracauer à Walter Benjamin et en supplément ? : quatre textes de Walter Benjamin ("? Petites illuminations ? ", "? Ports et foires ? ", "? Un marginal se fait remarquer ? " et "? Siegfried Kracauer ? : Les employés ? ") et un texte de Siegfried Kracauer.
Co-signé ou soutenu par une centaine d'intellectuels de renommée internationale, traduit, publié et discuté dans plusieurs pays (Allemagne, Brésil, Inde, Italie, etc.), le Manifeste convivialiste. Déclaration d'interdépendance (Bord de l'eau, 2013) défi nissait les principes d'un « bien vivre » universalisable (« pluriversalisable », plutôt), même sans croissance du PIB, dans lesquels se reconnaissent de plus en plus d'associations ou de réseaux de la société civique. À quelles conditions la partage de ces principes pourrait-il déboucher sur une off re politique susceptible de changer la donne, ici ou ailleurs ? Que faut-il maintenant préciser pour se donner une chance de conjurer les risques de catastrophe -économique, sociale, écologique, morale, etc. - qui se font toujours plus menaçants ?
C'est en dialoguant avec des propagateurs du convivialisme, en France, au Brésil ou en Italie, Simon Borel, Francesco Fistetti, Frédéric Vandenberghe et Jean-François Vréan, que Alain Caillé, un des initiateurs du convivialisme, esquisse des réponses à ces questions.