Lettres et langues
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Patti Smith a qualifié ce livre de «carte de mon existence». En dix-huit «stations», elle nous entraîne dans un voyage qui traverse le paysage de ses aspirations et de son inspiration, par le prisme des cafés et autres lieux qu'elle a visités de par le globe. M Train débute au 'Ino, le petit bar de Greenwich Village où elle va chaque matin boire son café noir, méditer sur le monde tel qu'il est ou tel qu'il fut, et écrire dans son carnet. En passant par la Casa Azul de Frida Kahlo dans la banlieue de Mexico, par les tombes de Genet, Rimbaud, Mishima, ou encore par un bungalow délabré en bord de mer, à New York, qu'elle a acheté juste avant le passage dévastateur de l'ouragan Sandy, Patti Smith nous propose un itinéraire flottant au coeur de ses références (on croise Murakami, Blake, Bolano, Sebald, Burroughs... ) et des événements de sa vie. Écrit dans une prose fluide et subtile qui oscille entre rêve et réalité, passé et présent, évocations de son engagement artistique et de la perte tragique de son mari - le guitariste Fred «Sonic» Smith -, M Train est une réflexion sur le deuil et l'espoir, le passage du temps et le souvenir, la création, les séries policières, la littérature, le café... Après Glaneurs de rêves (Gallimard, 2014), Patti Smith nous propose un nouveau livre inclassable, profondément sensible et sincère, illustré par les photographies en noir et blanc qu'elle prend depuis toujours, et qui confirme qu'elle est l'une des artistes actuelles les plus singulières et indépendantes...
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Écrire comme une abeille
Clémentine Beauvais
- Gallimard Jeunesse
- Hors Serie Prescription
- 27 Avril 2023
- 9782075167239
Écrit-on pour les enfants ou les adolescents comme on écrit pour les adultes ? Comment construire une intrigue, inventer des personnages, captiver jeunes lecteurs et jeunes lectrices et voir ses textes publiés ? C'est en apprenant à lire la littérature jeunesse qu'on peut apprendre à l'écrire, répond Clémentine Beauvais. À l'aide de nombreux exemples tirés de romans et d'albums, elle livre outils théoriques, méthodes, conseils pratiques et anecdotes pour écrire ses propres textes, de l'idée de départ au point final.
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Le livre de Maurice Blanchot n'est pas seulement un essai d'élucidation de la création littéraire et artistique, mais encore une recherche précise de ce qui est en jeu pour l'homme d'aujourd'hui, par le fait que «quelque chose comme l'art ou la littérature existe» : descente vers la profondeur, approche de l'obscurité, expérience de la solitude et de la mort.
L'auteur interroge les oeuvres de Mallarmé, de Kafka, de Rilke, de Hölderlin et de bien d'autres ; il n'existe peut-être pas de méditation aussi rigoureuse, aussi riche, sur les conduites créatrices dans toute l'histoire de la critique.
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Il est mort jeune, à quarante-cinq ans, mais il laisse une oeuvre considérable, labyrinthique, construite comme autant d'expériences d'écriture. Une vie anéantie à peine commencée - père tué en 1940, mère disparue à Auschwitz. Pas de souvenirs d'enfance. De cette amnésie, Georges Perec fera le ressort de sa création littéraire : il ne cesse de chercher à retisser des liens et des repères par les lettres, le jeu, l'invention narrative. Son oeuvre trace des chemins obliques pour lire le monde et son histoire. La vie de cet homme qui s'est reconstruit grâce à sa passion des mots s'entrevoit essentiellement à l'ombre et à la lumière de ses livres. C'est en les lisant que Claude Burgelin s'efforce de retrouver la trame d'une vie et les secrets d'un imaginaire qui continue à fasciner par son charme indicible et ce qu'il conserve d'énigmatique. Il accompagne une enfance cassée avant d'être recréée par les ressources de l'intelligence. Esquisse le portrait d'un jeune homme déterminé à affronter l'existence en écrivant. Dessine un Perec partagé entre le travail de bureau et l'artisanat de l'écriture, expérimentateur de l'art d'écrire et de dire, paysan de Paris à la recherche de «l'infra-ordinaire», présent-absent de sa judéité qu'il revisite à Ellis Island, homme d'amitiés et de grands rires. Il vivra entouré d'une seule vraie parenté, tôt retrouvée auprès de certains auteurs, la famille de cet enfant de la littérature, qui a su devenir, par un infatigable labeur, un écrivain singulièrement heureux.
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Les antimodernes ; de Joseph de Maistre à Roland Barthes
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliothèque Des Idées
- 3 Mars 2005
- 9782070772230
Qui sont les antimodernes ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contre-coeur, malgré eux, à leur corps défendant, ceux qui avancent en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire. Ce livre poursuit le filon de la résistance à la modernité qui traverse toute la modernité et qui en quelque manière la définit, en la distinguant d'un modernisme naïf, zélateur du progrès. Une première partie explore quelques grands thèmes caractéristiques du courant antimoderne aux XIX? et XX? siècles. Ces idées fixes sont au nombre de six : historique, la contre-révolution ; philosophique, les anti-Lumières ; morale, le pessimisme ; religieuse, le péché originel ; esthétique, le sublime ; et stylistique, la vitupération. Joseph de Maistre, Chateaubriand, Baudelaire, Flaubert d'un côté, de l'autre Proust, Caillois ou Cioran servent à dégager ces traits idéaux. Une seconde partie examine quelques grandes figures antimodernes aux XIX? et XX? siècles ou, plutôt, quelques configurations antimodernes majeures : Lacordaire, Léon Bloy, Péguy, Albert Thibaudet et Julien Benda, Julien Gracq et, enfin, Roland Barthes, «à l'arrière-garde de l'avant-garde», comme il aimait se situer. Entre les thèmes et les figures, des variations apparaissent, mais les antimodernes ont été le sel de la modernité, son revers ou son repli, sa réserve et sa ressource. Sans l'antimoderne, le moderne courait à sa perte, car les antimodernes ont donné la liberté aux modernes, ils ont été les modernes plus la liberté.
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«De ces essais que l'on va peut-être lire, il n'en est point qui ne soit l'effet d'une circonstance, et que l'auteur eût écrit de son propre mouvement. Leurs objets ne sont pas de lui ; même leur étendue parfois lui fut donnée.
Presque toujours surpris, au début de son travail, de se trouver engagé dans un ordre d'idées inaccoutumé, et placé brusquement dans quelque état inattendu de son esprit, il lui fallut, à chaque fois, retrouver nécessairement le naturel de sa pensée. Toute l'unité de cette Variété ne consiste que dans ce même mouvement.» Paul Valéry.
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TPeinture.
L'objet de la peinture est indécis.
S'il était net, - comme de produire l'illusion de choses vues, ou d'amuser l'il et l'esprit par une certaine distribution musicale de couleurs et de figures, le problcme serait bien plus simple, et il y aurait sans doute plus de belles uvres (c'est-´r-dire conformes ´r telles exigences définies) - mais point d'uvres inexplicablement belles.
Il n'y aurait point de celles qui ne se peuvent épuiser.t Pendant un quart de siccle Paul Valéry a pris des notes sur tous les problcmes qui le préoccupaient. La philosophie et l'art se détachent particulicrement au cours de ce recherches instantanées.
Chacun de ces textes contient ´r l'état d'aphorismes, de formules, de fragments ou de propos, voire de boutades, mainte remarque ou impression venue ´r l'esprit, ç´r et l´r, le long d'une vie, et qui s'est fait noter en marge de quelque travail ou ´r l'occasion de tel incident dont le choc, tout ´r coup, illumina une vérité instantanée, plus ou moins vraie. De ces pensées et aphorismes se dégage une pensée d'une rigueur exemplaire et qui propose une méthode d'investigation d'une rare acuité.
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Dans ce livre André Breton cherche à démontrer que le monde réel et le monde du rêve ne font qu'un. Il examine les différentes théories qui ont proposé une interprétation du rêve, pour s'arrêter longuement à celle de Freud.
Mais pour Breton l'unité du rêve et du réel passe par une profonde transformation sociale. Ce qu'il cherche cependant au-delà de la révolution est «la destination éternelle de l'homme».
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Chaque été, je passe mes vacances au bord de la mer - c'est une nécessité pour moi - et chaque jour je consulte l'horaire des marées. Basse mer, pleine mer, marée basse, marée haute, marée montante, marée descendante, grande marée. Ces mots, à eux seuls, me donnent à rêver.
Quand la mer se retire, je vois des estivants, parents et enfants, s'avancer sur la plage qui s'allonge mètre après mètre jusqu'à rendre la mer au loin à peine perceptible, elle se confond avec le ciel. Ils vont à la recherche de coquillages dont les enfants feront collection comme d'autant de bijoux précieux, ils ramassent des coques, des palourdes comme on cueille des fruits sur l'arbre, ils font provision de moules qu'on fera cuire pour le repas du soir.
Je me dis que ces coquillages, ces coques, ces palourdes, ces moules en grappes, ces bouts de bois rongés par le sel marin, ces morceaux de corde tombés d'un bateau de pêche, figurent ce qui est déposé dans ma mémoire : de petits restes - comme ils me sont précieux ! - qui seront tout à l'heure recouverts par la marée haute mais qui réapparaitront, ceux-là ou d'autres, quand la mer de nouveau se retirera.
Marée basse, marée haute, cette alternance est à l'image de ma vie, de toute vie peut-être.
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Cet essai esthétique du jeune Lukacs met en rapport les grandes catégories du genre romanesque et les étapes de l'histoire occidentale : des romans de chevalerie à Flaubert, Tolstoï et Dostoïevski en passant par Cervantes, les grands romans correspondent aux idéaux qui ont commandé à l'histoire de l'Europe. Il s'agit moins d'une sociologie de la littérature que d'une réflexion sur la philosophie des formes et sur leur enchaînement historique depuis la tragédie grecque et le genre épique jusqu'à l'aube de la réflexion contemporaine.
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Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l'obstacle ; sept essais sur Rousseau
Jean Starobinski
- Gallimard
- Tel
- 22 Septembre 1976
- 9782070294732
«Le domaine propre de la vie intérieure ne se délimite que par l'échec de toute relation satisfaisante avec la réalité externe. Rousseau désire la communication et la transparence des coeurs ; mais il est frustré dans son attente et, choisissant la voie contraire, il accepte - et suscite - l'obstacle, qui lui permet de se replier dans la résignation passive et dans la certitude de son innocence.» Jean Starobinski.
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Si je cherche une cohérence, une unité aux cent vies dont on dit qu'elles furent miennes, le divin plongeur - c'est le nom, au musée de Paestum, de la fresque qui ornait le plafond d'une tombe - occupe une place centrale. J'ai plongé en vérité tout au long de ma vie, et pas seulement dans la mer. Les choix décisifs que j'ai été amené à accomplir furent comme des plongeons, des piqués dans le vide. Voilà pourquoi j'ai décidé de donner ce titre, La Tombe du divin plongeur, à des textes écrits à différents âges de ma vie, en des occurrences radicalement étrangères les unes aux autres et aujourd'hui introuvables, oubliés ou ignorés.
Pendant vingt ans, entre 1950 et 1970, je n'ai vécu que de ma plume, écrivant sous mon nom ou sous des pseudonymes. Mais on ne trouvera pas seulement dans ce livre ce que j'appelle mes écrits alimentaires, portraits d'acteurs, d'écrivains, de chanteurs, de voyous, reportages aussi, mais encore des articles parus dans Les Temps Modernes, France-Observateur, Le Monde, consacrés à des événements importants du siècle, des textes politiques, polémiques, quelquefois les mêmes, tout un ensemble aussi qui s'organise autour de « Shoah », des préfaces, des oraisons funèbres, des discours.
En les relisant après tant d'années, je leur ai trouvé bien plus qu'un air de famille ; j'étais incapable de déceler entre les uns et les autres l'ombre d'une différence. Plus encore, entre l'écriture de ces textes et celle du Lièvre de Patagonie, la parentèle était plus qu'évidente : c'était la même écriture. C'est alors que j'ai pris la décision de faire paraître ce livre.
Avec La Tombe du divin plongeur, je lutte pied à pied, comme je l'ai toujours fait, contre toutes les morts. Dans ce recueil on pourra lire : « Le temps, pour moi, n'a jamais cessé de ne pas passer. »
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«Depuis les années quatre-vingt, par la grâce d'historiens encore soviétiques, le Dionysos d'Orphée a enfin reçu droit de cité dans l'histoire de la Grèce archaïque. Les tablettes d'os trouvées sur les bords de la mer Noire témoignent que, pour les disciples d'Orphée (les Orphiques), vers 500 avant notre ère, Dionysos règne entre Mort et Vie, qu'il habite l'arrière-pays où la vérité se souvient de la Tromperie et du Mensonge.Pour interroger la Grèce, pour mettre en question le regard de l'hellénisme, demain comme aujourd'hui, Dionysos jamais ne fait défaut. C'est l'opérateur le plus efficace, et d'abord pour découvrir dans le dispositif sacrificiel la force du meurtre intérieur ; ensuite pour reconnaître à l'horizon d'une société les avancées de ses transgressions et jusque dans celles qui lui sont possibles ; peut-être aussi pour entrecroiser la chasse et l'érotique en expérimentant librement entre récits mythiques, pratiques du polythéisme et formes de société.Infiniment turbulent, Dionysos, le dieu qui, dit-on, s'empare de tout et possède le vivant comme l'inanimé, s'avoue impuissant devant la gent helléniste. Pourquoi ? C'est ce que nous avons voulu comprendre hardiment.»Marcel Detienne.
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Ninfa profunda ; essai sur le drapé-tourmente
Georges Didi-Huberman
- Gallimard
- Art Et Artistes
- 20 Avril 2017
- 9782072711398
On trouve dans la poésie et les romans de Victor Hugo une étrange correspondance : regarder une femme - en la désirant - équivaut à sombrer dans la profondeur d'un océan. Voir la femme? «Voir le dedans de la mer». Voir une tempête se lever? Sentir monter les effluves du désir. Comment l'écriture va-telle rendre sensibles les tourments psychiques pour autant qu'ils sont faits aussi de tourmentes physiques et, même, atmosphériques?
Nous voici alors convoqués, au-delà de l'exégèse littéraire, sur le plan d'une vaste phénoménologie du monde visible : c'est bien matériellement, en quelque sorte, que cette équivalence se manifestera sur chaque feuille de papier dans l'immanence même des images admirables inventées par Victor Hugo - façon de découvrir, dans les chimères hypocondriaques du peintre-poète, un grand art lucrétien capable de donner à chaque organe l'immensité d'une tempête et à chaque milieu l'intensité d'un geste corporel animé de passion.
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Un espace inobjectif ; entre les paroles et les images
Annie Le Brun
- Gallimard
- Art Et Artistes
- 21 Novembre 2019
- 9782072843433
«Je devais avoir six ou sept ans, quand on me rapporta d'Angleterre La Belle au bois dormant en pop-up. Ouvrant ce livre, je vis soudain éclore un monde entre mes deux mains. Un monde léger, profond, un monde bleu profond. Je ne désirai qu'y pénétrer. Je n'en suis jamais vraiment revenue. Depuis lors, j'ai gardé la certitude que la pensée a au moins trois dimensions, déployant cet espace, où les mots et les images n'en finissent jamais de se rencontrer. Avec le recul, je me suis rendu compte que je n'ai jamais rien cherché d'autre que cet espace intermédiaire, où vient prendre forme tout ce qui nous importe. Espace ni subjectif, espace ni objectif, espace inobjectif. Notre chance est qu'il revient à certains artistes de jouer leur vie à ce jeu et de nous révéler alors le lointain qui nous habite. J'en aurais guetté toutes les approches, singulières ou plurielles. Ce recueil est le carrefour de leurs étranges mouvances. Il y va du déploiement de toute pensée, trouvant sa forme dans l'espace qu'elle fait soudain vivre. Rien n'est aujourd'hui plus menacé que cet espace paradoxal. Jusqu'à quand les contes nous seront-ils garants, comme La Belle au bois dormant l'aura été pour moi, que le grand maître de jeu continue d'être le désir en quête de lui-même?»Annie Le Brun.
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La crise du personnage dans le théâtre moderne
Robert Abirached
- Gallimard
- Tel
- 23 Septembre 1994
- 9782070737451
Sosie ou fantôme, mannequin ou icône, qu'est-ce que le personnage de théâtre ? contrairement au comédien chargé de l'incarner, il n'a guère été étudié jusqu'ici : c'est à quoi s'emploie ce livre, qui va constamment des oeuvres à leurs représentations, des théories aux pratiques scéniques, de l'acteur au spectateur.
Dans une traversée de l'histoire du théâtre, conduite d'un point de vue original, robert abirached aide à comprendre le difficile parcours de la figuration à la défiguration qui a marqué, depuis un siècle, la scène occidentale.
Notre société a-t-elle encore besoin de l'entremise du personnage pour se représenter, alors qu'elle se donne directement en spectacle à elle-même dans une omniprésente exhibition ? cette question, si elle concerne d'abord le théâtre et son avenir parmi nous, met en jeu le statut même de l'image dans le monde moderne, en délicate balance entre l'imaginaire et le réel.
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«Le personnage de Faust et celui de son affreux compère ont droit à toutes les réincarnations. (...) Or, un certain jour de 1940, je me suis surpris me parlant à deux voix et me suis laissé aller à écrire ce qui venait. J'ai donc ébauché très vivement, et - je l'avoue - sans plan, sans souci d'actions ni de dimensions, les actes que voici de deux pièces très différentes, si ce sont là des pièces. Dans une arrière-pensée, je me trouvais vaguement le dessein d'un III? Faust qui pourrait comprendre un nombre indéterminé d'ouvrages plus ou moins faits pour le théâtre : drames, comédies, tragédies, féeries selon l'occasion : vers ou prose, selon l'humeur, productions parallèles, indépendantes, mais qui, je le savais, n'existeraient jamais... Mais c'est ainsi que de scène en scène, d'acte en acte, se sont composés ces trois quarts de Lust et ces deux tiers du Solitaire qui sont réunis dans ce volume.»
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Critique d'art ; critique musicale
Charles Baudelaire
- Gallimard
- Folio Essais
- 3 Mars 1992
- 9782070326730
Présentation de Claire Brunet
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Ma vie avec la comtesse de Ségur
Caroline Eliacheff
- Gallimard
- Ma Vie Avec
- 16 Septembre 2021
- 9782072949982
En imaginant un va-et-vient entre la trajectoire et l'oeuvre de la comtesse de Ségur, sa propre expérience de psychanalyste et sa vie personnelle, Caroline Eliacheff nous fait redécouvrir une auteure en avance sur son temps. Une femme engagée, qui a sans relâche défendu la cause des enfants et épinglé les parents maltraitants. Une pionnière dans la compréhension des plus jeunes, dont les intuitions se sont trouvées confirmées par les théories psychanalytiques, de Freud à Françoise Dolto. Et bien sûr la romancière à succès qui a formé des générations de lecteurs : des Malheurs de Sophie au Général Dourakine en passant par François le bossu et Un bon petit diable, les écrits de la comtesse hantent notre imaginaire collectif. La famille, l'éducation, la féminité, l'héritage et la transmission sont au coeur de ces pages délicates.
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«André Malraux a toujours été fasciné par les métamorphoses des dieux. Il nous a rendus conscients de leurs étonnants changements de visage depuis leur naissance préhistorique jusqu'à leurs masques actuels. Mais n'attendions-nous pas de lui, à la longue, les métamorphoses de la littérature ? Car en ce domaine, s'il est connaisseur, il est aussi créateur. Et si la bibliothèque imaginaire est moins étendue et peut-être moins énigmatique que le musée, elle concerne davantage tout l'homme. André Malraux ne s'est pas dérobé. Il nous confie une part essentielle de lui : le site et les perspectives de son écriture. Il passe des processions du Moyen Âge aux fièvres de la télévision à travers les triomphes du théâtre et du roman. Il n'oublie ni le rôle qu'ont joué la piété privée ou la grande presse, ni les promesses que n'ont pas tenues la science ou le cinéma. Nous découvrons ici la secte étonnante de ceux qui veulent «échapper au temps par la forme», ceux qu' une nécessité profonde pousse soit à écrire, soit à lire. Mais leurs générations s'inventent tour à tour les univers qui les sauvent. C'est là leur gloire, c'est là aussi leur précarité. Or qu'y a-t-il de commun entre ces formes ? Une forme peut-elle même passer en traduction d'une langue à une autre ? Et l'évolution des formes a-t-elle un sens ? André Malraux interroge le futur sans illusion, mais sans angoisse. Il salue fraternellement les traces plus ou moins considérables que nous laissent nos devanciers. Il souligne les variations de leur importance respective, Notre époque, en prenant conscience de ces variations, ouvre l'ère de l'aléatoire. André Malraux nous fait retrouver, élargie aux dimensions de l'Histoire, cette communion dans l'imprévisible que révélait jadis La Condition humaine. Il porte d'un seul geste nos passés et nos possibles. André Malraux a-t-il jamais été plus lui-même ? Son ton fuit l'emphase autant que les cocasseries. Sa présence est plus forte de n'avoir ni hauteur ni familiarité. Il nous fait entendre l'âme des hommes sous les voix des siècles, et notre âme sous nos propres interrogations. II ne laisse pas son lecteur tel qu'il l 'a pris.» Jean Grosjean.
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Quand Albert Camus meurt dans un accident d'auto, le 4 janvier 1960, il n'a que quarante-six ans. Il avait, deux ans plus tôt, reçu le prix Nobel. Il laisse, inachevé, un récit à peine romancé de sa vie, Le Premier Homme. Le « premier homme », c'était son père, pionnier de la colonisation française en Algérie avant d'être tué à la guerre de 1914; c'est aussi le narrateur, né pauvre et sans racines sur une terre où tout reste toujours à inventer. Grâce aux beautés du rivage méditerranéen, Camus a découvert dès son enfance les vraies richesses, celles qui inspiraient l'idéal des Grecs de l'Antiquité ; il y a puisé la conviction que le sentiment du tragique est indissociable de l'aspiration à un bonheur qu'il sait, à l'image du soleil de midi, toujours précaire.
Son ambition était de renouer avec l'inspiration d'Eschyle pour devenir un grand dramaturge, témoin du tragique de son siècle.
Sa vie entière fut vouée au théâtre. Plus que ses pièces, pourtant, ses romans l'ont imposé comme un écrivain majeur de son temps. Le héros de L'Étranger, condamné à mort pour avoir refusé les mensonges de la société, ceux de La Peste, engagés contre un mal né à la fois de l'absurdité de la condition humaine et des crimes du totalitarisme, ou le « juge-pénitent » de La Chute, qui désespère de lui-même afin d'enlever à ses contemporains leurs raisons d'espérer, tous témoignent de la « terrible époque ». Face à l'absurde, Camus ne voit de grandeur pour l'homme que dans la révolte.
Mais la révolte est confisquée par des professionnels de la révolution, qui asservissent les hommes au nom de l'improbable paradis d'une société sans classes. « Mon royaume tout entier est de ce monde » : à la différence des chrétiens et des penseurs marxistes, Camus croit à l'urgence du bonheur. Contre les injustices du colonialisme, du communisme ou du franquisme, il a, en marge de son oeuvre littéraire, bâti une oeuvre de chroniqueur. Créateur de mythes, il est aussi, par sa plume, un des principaux acteurs de son temps. Au fil de sa vie se lisent les luttes en faveur de la démocratie, les querelles autour de la guerre froide et, pour finir, la tragédie de la guerre d'Algérie.
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Ce livre «raconte» ce que disent les poèmes de René Char comme on raconterait un film à quelqu'un qui ne l'aurait pas vu ou l'aurait mal compris. «Quand on entendait René parler, faire oralement des brouillons - écrit Paul Veyne -, on était frappé de l'entendre reprendre bien vite sa première formule pour la rendre plus énigmatique. Il est donc croyable qu'à ses yeux l'obscurité ait été génératrice de poésie ; trop de clarté messied, la bienséance exige une certaine pénombre, qu'il appelle lui-même l'élégance de l'ombre.»C'est à éclairer l'ombre des poèmes de René Char que s'attache ici Paul Veyne. Char a poussé aux limites une des tendances de la poésie et de la peinture depuis Cézanne et Rimbaud : la recherche de l'intensité, nécessaire à une oeuvre toute de révélation inquiète de l'Amour, du Vide, de l'Être et de l'Extase, naturelle à un créateur qui faisait de l'obsession de la moisson et de l'indifférence à l'histoire les deux extrémités de son arc. Des péripéties de son existence, Char ne tira que des prétextes à la Poésie, jamais le matériau même du poème. Ainsi faut-il entendre le titre de l'ouvrage, René Char en ses poèmes : c'est à la fois une esquisse biographique, un portrait, un exposé systématique et une «traduction» intégrale des poèmes et des aphorismes.
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états de femme ; l'identité féminine dans la fiction occidentale
Nathalie Heinich
- Gallimard
- Tel
- 3 Mai 2018
- 9782072770784
Jeune fille à marier, épouse et mère, maîtresse, vieille fille : ces états offerts à la carrière féminine, la littérature occidentale comme l'expérience du monde vécu nous les ont rendus familiers.
Pourtant, la lecture de quelque deux cent cinquante oeuvres, classiques ou plus confidentielles, du XVIIIe siècle à nos jours - romans, nouvelles, contes, pièces de théâtre et films -, réserve une étonnante surprise. La fiction ne se contente pas de refléter la réalité historique et ses lentes évolutions ; à partir de ce petit nombre, très stable, d'états dûment structurés, régis par des règles précises, définis par le mode de subsistance économique et la disponibilité sexuelle, elle révèle un état particulier : le «complexe de la seconde».
Cet état, qui ne s'observe pas semblablement dans la vie commune, est l'équivalent féminin et romanesque du complexe d'oedipe : comment, maîtresse, prendre la place de la femme mariée ? Comment, seconde épouse, remplacer la première ? Il hante la fiction, noble ou sentimentale, de Charlotte Brontë à Georges Ohnet, d'Honoré de Balzac à Marguerite Duras, de Thomas Hardy à Delly, d'Henry James à Daphné Du Maurier.
Telle, dans ses structures, apparaît l'identité féminine à un «regard éloigné», celui que peut porter l'anthropologue sur les romans de la culture occidentale.
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Les cahiers de la NRF : les fous littéraires
Raymond Queneau
- Gallimard
- Les Cahiers De La Nrf
- 29 Mai 2002
- 9782070764983
Exhumés des profondeurs de la Bibliothèque nationale, hissés au jour, époussetés et sertis dans un texte à organisation encyclopédique et à approche psychanalytique, voici les écrits d'une cinquantaine de «fous littéraires» du XIX? siècle que Raymond Queneau voulait, en 1934, offrir à ses lecteurs. Individus oubliés, dont les idées insolites ne se rattachaient à aucune doctrine et ne furent reconnues de personne. Certains ont fait des découvertes dans le domaine des «sciences inexactes» : les principes organiques du cercle, la nature excrémentiel du soleil, la langue universelle... La vie d'autres - princesses, prophètes et messies, persécutés et revendiquants, tous convaincus de leur mission - esquisse une «histoire paranoïaque» de la France de leur siècle.Déçu dans son attente de découvrir des «génies méconnus», Queneau tâcha de comprendre la folie de ces individus à travers leurs ouvrages. Il les analysa à la lumière de Totem et tabou et du complexe d'Oedipe de Freud, dont les oeuvres venaient d'être traduites en français, ainsi que du «complexe de mission historique» de W. Stekel et crut trouver dans les rapports conflictuels père-fils l'origine de leur déséquilibre mental.Le lecteur qui reconnaîtra des passages de ces textes pour les avoir lus dans Les Enfants du limon pourra consulter ici pour la première fois le commentaire que Queneau rédigea pour les accompagner - l'explication de texte qu'est Aux confins des ténèbres.