Interroger le fanatisme de la vérité qui gouverne la philosophie, reconnaître la vie seule pour source de toute valeur, l'indépendance pour la vertu suprême du philosophe, et rechercher une réconciliation inédite de l'art et de la science : tel est pour Nietzsche le sens du gai savoir.
Publié en 1882, réédité et augmenté en 1887, cet ouvrage met en oeuvre les principaux thèmes de lapensée de Nietzsche, dont celui de l'éternel retour, qu'il introduit ici pour la première fois. L'auteur y déploie le projet d'une guérison de l'humanité, d'un regain de force et d'amour de la vie : « suprême espérance » qui ne saurait se conquérir que dans la douleur... et dans l'ivresse.
«Le Travail» est au programme des Prépas scientifiques de 2022-2023, ce texte constitue une parfaite introduction à la pensée de Marx.
Premier chapitre du «Capital», ce texte explore un concept au coeur de notre société de consommation contemporaine. Ce chapitre parut en France en 1872, aux prix de dix centimes. Ainsi publié sous forme de petits fascicules, en livraisons périodiques, «Le Capital», oeuvre immense mais chère, «sera plus accessible à la classe ouvrière, et pour moi, déclare Marx à son éditeur français, cette considération l'emporte sur toute autre». Il se trouve en outre que «La Marchandise» contient l'une des trouvailles les plus importantes du «Capital», plus que jamais d'actualité dans ce monde où tout est devenu marchandise.
Emerson rencontre Thoreau en 1837 à Concord, Massachusetts. Il devient pour ce dernier un maître et un second père, lui prête le terrain sur lequel il va construire sa cabane au bord de l'étang de Walden en 1845, l'introduit dans le cercle des transcendantalistes et assure la publication de ses premiers essais et poèmes dans leur revue, « The Dial ». Esquisse biographique admirative, cet éloge funèbre prononcé par Emerson pour la mort prématurée, en 1862, de celui qui était son meilleur ami, reste encore aujourd'hui ce qui a été écrit de mieux sur l'auteur de « Walden » et de « La Désobéissance civile ». Plus qu'une simple biographie, ce court récit se lit aussi comme un éloge de l'amitié.
Vous avez tort mais refusez de l'admettre ? Avec humour et perspicacité, ce petit précis recense et analyse les stratagèmes et les ruses pour sortir vainqueur de tout débat, dispute ou joute verbale. Schopenhauer se livre à une savoureuse réflexion sur le langage et la dialectique, pour le plus grand plaisir des amoureux de la contradiction.
Ces conseils, aussi précieux que sarcastiques, sont suivis de deux essais incisifs sur la pensée et la lecture : les livres nourrissent-ils notre réflexion, ou nous empêchent-ils de penser par nous-mêmes ?
La publication de L'Origine des espèces, en 1859, a marqué une révolution intellectuelle comparable à celle qui est associée aux noms de Copernic et Galilée. En proposant une théorie de la « descendance avec modification » et de la « sélection naturelle », Darwin apportait des réponses aux questions qui préoccupaient les naturalistes de son époque. Le caractère radical de ces réponses aussi bien que les problèmes qu'elles laissaient en suspens ont alimenté d'emblée polémiques et controverses. De là les ajouts et les digressions qui, au gré des six éditions successives de l'oeuvre, en vinrent à obscurcir le propos d'origine. En élaguant la traduction d'Edmond Barbier de ce qui ne figurait pas dans l'édition de 1859 et en y rétablissant ce qui en avait disparu, le présent volume permet au lecteur francophone de retrouver cette oeuvre dans sa fraîcheur initiale.
À partir de 1817, le poète Giacomo Leopardi (1798-1837) prit des notes philosophiques et philologiques dans un cahier qu'il appela "Zibaldone", sorte de journal intime de la pensée de près de 5000 pages. Parmi ses nombreux projets d'essais inaccomplis se trouve un "Manuel de philosophie pratique", où Leopardi donne quelques conseils pour échapper au désespoir. Voici un choix thématique du "Zibaldone" sous la forme d'un dictionnaire philosophique.
L'ouvrage débute par une définition très précise des termes « anarchie » et « anarchisme » et de leur histoire, en même temps que par un tour d'horizon des enjeux politiques contemporains qui rendent nécessaire une nouvelle réflexion sur ces termes et leur potentiel émancipateur, trop vite enterré ou méprisé (les anarchistes sont des nihilistes, des terroristes, etc.). Catherine Malabou s'interroge sur la raison pour laquelle certains des philosophes les plus importants du XXe siècle ont élaboré des concepts d'anarchie décisifs pour comprendre la situation contemporaine de la pensée en matière d'éthique et de politique sans jamais toutefois se référer à l'anarchisme. Comme si l'anarchisme était quelque chose d'inavouable, qu'il faudrait cacher alors même qu'on lui vole l'essentiel : la critique de la domination et de la logique de gouvernement. Au fil de l'interprétation critique de chaque philosophe se dégagent les éléments d'une pensée du « non gouvernable », qui va bien au-delà d'un appel à la désobéissance ou d'une critique convenue du capitalisme. Le livre propose donc une réinterprétation de l'anarchisme.
Chronologie - Avertissement.
Le concept d'angoisse - Avant-propos - Stades sur le chemin de la vie - Le lis des champs et l'oiseau du ciel, trois discours pieux - La maladie mortelle [Traité du désespoir] - Pratique du christianisme - Point de vue sur mon activité d'écrivain - Sur mon activité d'écrivain.
Notices et notes - Bibliographie.
Traductions nouvelles.
Introduction - Chronologie - Notes sur la présente édition.
Ou bien...ou bien incluant Le journal du séducteur - La reprise - Crainte et tremblement.
Miettes philosophiques.
Notices et notes.
Traductions nouvelles
Il faut relire Marx après le déluge. Dans ces Manuscrits économico-philosophiques, rédigés en 1844 à Paris, et publiés pour la première fois en 1932 à Leipzig, ce sont l'inhumanité du capitalisme et l'infamie de ses thuriféraires qui sont dénoncées. Les économistes classiques, tels Smith, Say ou Ricardo, n'ont guère considéré l'ouvrier que comme une bête de somme. Ils n'ont voulu voir dans l'homme qu'une machine à consommer et à produire. Ce qui peut advenir au travailleur en dehors du temps de travail, ils laissent benoîtement au médecin, au juge, au fossoyeur ou bien au prévôt des mendiants le soin de s'en inquiéter quelque peu.
C'est que le travail, activité spécifique de l'homme, n'est plus désormais qu'un gagne-pain, une souffrance et une dure nécessité, pour l'obtention de laquelle tous se livrent - paradoxalement - à la plus âpre des concurrences.
La complète domination de l'économie sur la société traduit une aliénation maximale, que manifeste avec éclat la puissance universelle de l'argent : « notre valeur réciproque, écrit Marx, est pour nous la valeur de nos objets réciproques».
Nous sommes à un Congrès fictif du patronat à Londres. Les chefs de file de la bourgeoisie mondiale et leurs alliés cléricaux se sont réunis pour trouver une parade face à une menace nouvelle : le mouvement ouvrier qui, bien que naissant, pourrait faire vaciller leur trône. On sent que l'inquiétude préside à ce Congrès. Très vite, et malgré l'absence de Bismarck (indisposé par une légère crise d'alcoolisme aigu), s'impose la nécessité de doter le monde civilisé - pudique dénomination du capitalisme mondial - d'une nouvelle religion capable par ses commandements de rétablir l'ordre. Ce sera celle du Capital. Toute religion ayant besoin de tables de la loi, les voici dévoilées avec ce « Dieu mangeur d'hommes », son saint esprit « Crédit » entouré de ses saints et adossé à son catéchisme... Farce délirante et parodique, le texte de Lafargue est un pur régal : le combat pour la justice sociale s'y avère compatible avec l'humour et l'impertinence. Aujourd'hui ce petit texte se lit comme une parodie de la financiarisation du monde et des licenciements de crise. Edition enrichie des Souvenirs personnels sur Karl Marx, du même Paul Lafargue.
La pensée de Marx souffre encore d'avoir été longtemps associée à des régimes politiques discrédités. Pourtant, Marx reste sans doute le penseur le plus pertinent de l'économie capitaliste et de ses dérives, du travail et de la révolution. Il importe donc de débarrasser l'oeuvre de ses gloses et autres commentaires pour en revenir au texte même. C'est ce à quoi s'emploie Jean-Numa Ducange dans cet abécédaire, où il a retenu une centaine de mots caractéristiques du vocabulaire de Marx, suivis de la définition même qu'en propose ce dernier. Une bonne manière de faire connaissance (ou de reprendre le contact) avec un penseur-phare dont la philosophie de l'histoire a profondément imprégné nos imaginaires. Aliénation, État, luttes de classes, matérialisme, prolétariat, travail... «?À la lettre?»?: une collection pour revisiter ses classiques «?dans le texte?».
Les Parerga et Paralipomena, titre grec qui signifie « Accessoires et Restes », connurent un immense succès en Allemagne à leur parution, en 1851, et furent traduits en France entre 1905 et 1912. Bien qu'ils comptent parmi les textes majeurs d'Arthur Schopenhauer, ils n'ont fait l'objet, depuis, que de parutions marginales. Ils offrent pourtant aux lecteurs de l'auteur du Monde comme volonté et comme représentation un véritable kaléidoscope des grands thèmes traités par le philosophe : l'ennui, le désespoir, la bouffonnerie des comportements humains. Son pessimisme, qui lui fait dire que « la vie est une affaire qui ne couvre pas ses frais », connaît ici de nouveaux développements dans ses articles Sur le suicide ou Le Néant de la vie.
Schopenhauer propose un art de vivre pour remédier à la douloureuse condition humaine, sous la forme de conseils et de recommandations, comme de pratiquer avec prudence la compagnie de femmes. L'Essai qu'il consacre à celles-ci connut un vif succès auprès d'écrivains français tels Maupassant, Zola, Huysmans et tant d'autres dont Schopenhauer a nourri la misogynie.
Évoquant l'influence considérable de la pensée de Schopenhauer sur les créateurs de son temps, Didier Raymond souligne le paradoxe qui veut que son pessimisme ait eu sur beaucoup d'entre eux « les effets bénéfiques d'une libération longtemps attendue. Sa philosophie, écrit-il, confère enfin une certitude au sentiment de désespérance, d'extrême lassitude de l'existence ».
Par sa perspicacité philosophique et sa lucidité psychologique, comme par la clarté et la lisibilité de son écriture, cet ouvrage reste à cet égard un stimulant inépuisable.
Dans L'Homme du ressentiment (1923), Scheler examine ici, selon la pure méthode de description phénoménologique, un phénomène psychique entrevu par Nietzsche, le ressentiment. À l'origine, le ressentiment est toujours l'expression de quelque sentiment d'impuissance, né de l'échec du sujet à assumer selon les formes de sa personnalité telle ou telle valeur morale. C'est Nietzsche qui a donné à cette notion un droit de cité dans le sens technique dans le domaine de la philosophie. Max Scheler tente dans ce volume la description d'une totalité d'expériences et d'actions vécues en étudiant l'homme de ressentiment et insère sa doctrine dans le cadre d'une philosophie des valeurs. Scheler se dresse contre la conception nietzschéenne du christianisme qui est expliqué au travers de cette notion dans La Généalogie de la morale.
Dans le contexte actuel de remontée du ressentiment, la pensée de Scheler analysant cette notion retrouve une actualité particulière. La réédition de ce classique est d'autant plus justifiée.
La lecture de Marx et de Hegel fut déterminante dans le processus de réflexion ayant mené à l'écriture de La Société du spectacle. Guy Debord, s'il s'inscrivait dans la tradition de la pensée marxienne, n'était pourtant ni marxiste ni hégélien. Mais il a trouvé chez ces philosophes deux formes de pensée radicales qui répondaient pleinement à ses préoccupations. À l'instar du système théorique de Hegel, capable d'appréhender dans un seul mouvement tout ce qui gouverne l'existence humaine, il s'est attaché à produire une analyse de la société marchande qui s'applique à l'ensemble de son mode de fonctionnement. Quant à Marx et à son entourage, leur parcours et leurs idées constituent pour lui un modèle pour l'organisation de l'activité politique et révolutionnaire de l'Internationale situationniste.
Néanmoins, les spécificités de chaque auteur, et l'existence de deux dossiers de fiches de lecture bien distincts dans les archives de Guy Debord, ont été respectées dans ce volume constitué de deux parties : la première consacrée à Marx, la seconde à Hegel, l'une et l'autre faisant l'objet d'une postface revenant sur les apports précis de chacun à son oeuvre.
Alexis de Tocqueville est le penseur de la modernité politique. Grand témoin d'un monde en mutation, il s'est appliqué, à l'aube du XIXème siècle, à définir ce régime jusqu'alors inédit en France qu'est la démocratie. Ce nouvel état politique et social mit fin à des siècles d'aristocratie en hissant au plus haut l'étendard de l'égalité. Mais Tocqueville sent sourdre, au-delà des apparences, que la démocratie doit combattre le despotisme latent qu'elle porte en elle. D'une perspicacité et d'une actualité troublantes, l'oeuvre de Tocqueville nous montre qu'il appartient aux démocrates, encore aujourd'hui, et peut-être plus que jamais, de faire vivre la liberté.
Alors que nous célébrons cette année le bicentenaire de Henry David Thoreau, Michel Onfray publie un texte en forme de manifeste pour une « vie philosophique » libre, telle que l'émule et ami de Ralph Waldo Emerson l'a pratiquée, du côté de Concord, en Amérique du Nord, au milieu du XIXe siècle. Proche depuis longtemps de la pensée de ce créateur singulier, le philosophe nous livre un hommage en même temps qu'une brève mais complète et percutante introduction à la vie et à l'oeuvre du rebelle « penseur des champs ». Michel Onfray passe en revue les ouvrages de l'écrivain écologiste avant l'heure, dont son Journal et Walden, « ce chef-d'oeuvre de la philosophie existentielle », véritable « utopie politique », ainsi que tous ceux qui traitent de ses innombrables périples dans la nature, dont Marcher. Il évoque aussi les écrits qui révèlent un autre Thoreau, plus politique encore, épris de justice et opposé à l'État, qui deviendra l'apôtre d'une certaine insurrection, comme De la désobéissance civile ou son Plaidoyer pour John Brown. Ainsi se dégage un portrait double de Thoreau, « écologiste et libertaire » et, par-delà, celui d'un modèle de vie où la pensée contemplative associée à l'action crée les conditions d'une existence authentique et d'une harmonie nouvelle. Un modèle auquel Michel Onfray s'apparente et qui invite chaque philosophe et chacun d'entre nous à mettre en adéquation sa pensée et ses valeurs.
Dès les origines, la philosophie, en cherchant à déterminer sa voie propre, n'a pu s'affranchir complètement de la poésie. Platon, bannissant les poètes de sa cité idéale, était le premier à puiser chez Homère, à nourrir de poésie la puissance de son style. Les quatre textes réunis par Heidegger sous le titre original d'« Éclaircissements sur la poésie de Hölderlin » obéissent à une volonté d'exploration du lien et de la relation qui, bien en deçà de la rencontre entre une philosophie et une poésie - où l'interprétation philosophique convoque la poésie à titre d'instrument au service d'objectifs qui lui resteraient propres -, ont toujours été déjà établis dans le tissu même du langage. Prises à la source originelle du sens, conception théorique et conception poétique sont voisines et parfois indistinctes. L'interprétation philosophique de Heidegger cherche donc à retrouver dans la poésie de Hölderlin ce que le poète a su, plus originellement que le penseur, de l'histoire de l'être, dans une intimité moins envahie par le discours de la métaphysique. L'humilité de la pensée voit alors se déplyer, face à sa patience, la richesse d'un jaillissement originel.
E. Kant a pu, à bon droit, se prévaloir d'avoir accompli dans la philosophie et la science une « révolution copernicienne ».
Il dénonça l'illusion de la Raison d'être au principe d'une « connaissance » métaphysique, mais ses critiques de la Raison l'amenèrent en en dissipant l'illusion à en affirmer le besoin : « Sous le gouvernement de la Raison nos connaissances en général doivent [...] former un système dans lequel seul elles peuvent soutenir et favoriser les fins essentielles de la Raison ». La Raison doit, en outre, toujours faire valoir son droit d'être la « pierre de touche » de toute vérité.
Toute la philosophie de Kant consiste à faire valoir le droit du besoin de la Raison.
Ce livre est une plongée dans la pensée politique du grand philosophe allemand, figure fulgurante et rebelle de la philosophie, qui aura marqué le vingtième siècle de la pensée européene par sa sensibilité et exigence extrêmes. C'est le résultat d'un travail d'immersion complète dans l'oeuvre du jeune Nietzsche, que Michèle Cohen-Halimi mène ici avec la rigueur et la clarté qui caractérisent son approche de la philosophie allemande moderne, dont elle est l'une des plus lumineuses spécialistes.
L'Action à distance ambitionne de mettre en perspective le XXe siècle politique allemand à partir du XIXe siècle de Nietzsche - à partir du diagnostic relatif au totalitarisme nazi annoncé par le wagnérisme, profondément anticipé par le philosophe. Il montre la fécondité de la pensée du jeune Nietzsche, qui a poursuivi son déploiement par-delà la rupture avec Wagner, par-delà l'abandon du modèle micropolitique grec, sans jamais céder sur la relation agonistique indissoluble de la culture, de l'État et de la religion.
Comment le jeune philologue Nietzsche est-il devenu philosophe ? Peut-être fallait-il s'attarder sur son imperceptible écart au monde sécularisé et sur son désaveu de ce qu'il advenait de l'unité politique allemande, pour mieux saisir en lui les crises et le malaise par lesquels la philosophie s'est imposée à lui dans la souveraineté d'un geste antagonique.
L'opération nietzschéenne de l'antagonisme montre d'emblée la force de sa relation à ce que l'on ne voit pas encore :
La libération du devenir ordonné à une autre pensée du temps et l'horizon politique qui s'exorbite de la seule instance de l'État. Le levier du livre est la puissance sous-estimée de la négation. C'est la puissance du devenir que Nietzsche en tire : puissance plastique où se prépare l'ouverture d'un autre rapport à l'histoire et à la politique.
Dans les années 1960, Sartre disait du marxisme qu'il est "la philosophie indépassable de notre temps" . Mais qu'en est-il pour nous aujourd'hui ? Le capitalisme n'a-t-il pas changé de forme depuis l'époque de Sartre et a fortiori celle de Marx ? Avons-nous dès lors dépassé le marxisme ou bien sommes-nous toujours confrontés aux mêmes problèmes que Marx en son temps ? La pensée de Marx peut-elle encore nous aider à donner un sens au monde dans lequel nous vivons ? En proposant une traversée des trois livres qui composent Le Capital, cet ouvrage se veut à la fois une introduction à l'oeuvre majeure de Marx et une réflexion sur ses possibles prolongements contemporains.
Qu'est-ce que la théorie de l'exploitation nous apprend sur le monde du travail ? Comment fonctionnent les mécanismes du marché et en quoi sont-ils liés au réchauffement climatique ? Quelles sont les contradictions et les illusions que le capitalisme porte en lui et en quoi le monde de la finance en est-il l'incarnation contemporaine ?
Philosophies de Marx, au pluriel. Cela veut dire qu'il y a bien de la philosophie chez Marx, mais que cette philosophie ou plutôt ce philosophique résiste à son unification et s'affirme comme pluriel. Sans doute aura-t-il fallu que l'on renonce à unifier la pensée de Marx en une doctrine pour la redécouvrir comme philosophique. Le présent ouvrage se propose d'exposer ce pluralisme philosophique marxien sous trois rapports qui s'imposent plus que d'autres mais qui ne sont pas exclusifs d'autres : la philosophie de l'activité, la philosophie sociale, la philosophie critique. Ce sont trois directions dans lesquelles le philosophique chez Marx a insisté et a cherché à se déployer, mais sans jamais se stabiliser ni s'unifier - sinon peut-être tendanciellement dans la troisième perspective, qui ne désigne cependant pas une doctrine mais une attitude critique. Plus qu'une philosophie, ce que Marx nous a transmis est une certaine pratique de la critique dans la théorie (qu'on peut appeler « philosophie ») et la tentative de l'articuler aux pratiques sociales elles-mêmes critiques.
Franck Fischbach est professeur à l'Université de Strasbourg.
La réédition de Karl Marx. Essai de biographie intellectuelle, l'oeuvre essentielle de Maximilien Rubel, a lieu vingt ans après sa mort, et près de soixante ans après sa parution. Et malgré le temps, cet ouvrage, qui fut un événement politique autant qu'intellectuel à sa parution, n'a rien perdu de sa force. Dans cet Essai, Maximilien Rubel s'est s'efforcé de retracer minutieusement le cheminement intellectuel de Karl Marx, de reconstituer sa pensée sociologique et éthique, dont les éléments sont épars dans les oeuvres les plus diverses en genre et les plus inégales en importance.
En 1954, Maximilien Rubel a soutenu à la Sorbonne la thèse paradoxale de la genèse du marxisme comme courant de pensée à l'échelle mondiale, en l'absence d'une édition critique intégrale de l'oeuvre de Marx. Près de quarante ans après la révolution « marxiste » de 1917, il n'existait nulle part une édition historico-critique des oeuvres de « fondateurs », constatation aussi étonnante qu'inquiétante puisqu'en 1954 un tiers de la planète se composait de régimes qui, à l'exemple de l'URSS prise pour modèle, avaient réussi à se substituer à des régimes dits bourgeois et à se doter de constitutions à finalité communiste. Et ce communisme idéologique s'inspirait ouvertement d'une doctrine, le « marxisme », pris pour synonyme de « socialisme scientifique ».
Il ne s'agissait donc pas de commenter telles ou telles thèses vulgarisées, mais de les replacer dans un ensemble intellectuel, en sorte que l'oeuvre éclaire, à la lumière de la pensée marxienne, le sens de l'interprétation idéologique et de l'utilisation politique auxquelles se sont livrés les champions d'un insaisissable « marxisme », qu'il soit orthodoxe ou hérétique.
Que Rubel puisse avoir raison aujourd'hui, c'est grâce au fait d'avoir eu raison hier !
Maintenant que la chute de l'URSS a rendu sa liberté à l'oeuvre de Marx, on pouvait penser qu'une biographie intellectuelle écrite en 1954 serait demeurée prisonnière de son temps et ne ferait plus de Marx notre interlocuteur. C'est le contraire qui se produit.
Dans la mesure où le travail de Rubel s'est élaboré à partir d'une critique du marxisme, cet Essai nous apporte en quelque sorte la démonstration, sur le plan de la pratique, de la pertinence des éléments théoriques réunis par Maximilien Rubel : il montrer comment la pensée de Marx trouvait sa vérité dans une analyse critique du capitalisme qui s'appliquait à la bourgeoisie comme à la bureaucratie d'un capitalisme d'Etat qui se réclamait du marxisme.
Rééditer l'oeuvre de Maximilien Rubel, c'est redonner à Marx sa place dans la pensée actuelle, mais aussi dans l'histoire politique et sociale du mouvement ouvrier et révolutionnaire ; et montrer que toute la littérature produite dans cette constellation marxiste s'inscrit à l'envers de l'enseignement marxien, et que telle a été sa véritable fonction idéologique. Cette biographie est donc d'une certaine manière une leçon d'histoire qui rend à leur vérité des événements qui hier trouvaient leur explication dans l'historiographie établie par le marxisme-léninisme. La vision rétroactive qui s'établit redonne Marx à la pensée marxienne alors qu'il ne semblait être né que pour être marxiste, hier, aujourd'hui et demain, en dépit de son peu de goût pour les sacres onomastiques.
La préface de Louis Janover, qui fut son plus proche collaborateur, restitue l'importance de l'Essai en s'interrogeant sur le sens et le sort de la critique qui fut celle de Rubel en son temps ; et en montrant que si le terme « marxien » remplace partout celui de « marxiste », cette substitution ne s'accompagne d'aucune analyse sur ce qu'a signifié la référence au « marxisme » pour la légitimation d'un système d'oppression en parfaite opposition avec la pensée d'émancipation de Marx.
Il n'y a pas chez Marx une définition ni une pratique de la philosophie, mais des définitions et des pratiques qui se chevauchent et se recouvrent. Il en revendique tour à tour la réalisation par son lien avec le mouvement révolutionnaire, son devenir monde, sa suppression, son érection en théorie de la connaissance historique, en réflexion critique de l'histoire et du pouvoir.
Ces oscillations sont politiques. Elles se cristallisent dans la figure du communisme. En croyant promouvoir une raison transparente incarnant le début d'une histoire humaine enfin fondée sur la libre association, il façonne une figure de la rationalité comme pouvoir, à laquelle s'oppose une raison limitée, auto-rectificatrice, puissance politique qui en incarne à l'inverse le dépérissement. C'est dans cet espace que se joue l'inachèvement de sa pensée.