Littérature
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Dans cet essai, Jean Baudrillard promène un oeil critique sur les artefacts du monde contemporain. Des parcs d'attractions californiens et de leur promesse de ressusciter l'enfance au Forum des Halles parisien, «sarcophage de la marchandise», en passant par des prouesses biotechnologiques comme le clonage, l'auteur questionne notre rapport à la reproduction tous azimuts des images et des choses. Il entrevoit alors un nouveau régime des simulacres dans lequel le réel n'a pas fini d'être aboli. «Cette course au réel et à l'hallucination réaliste est sans issue car, quand un objet est exactement semblable à un autre, il ne l'est pas exactement, il l'est un peu plus. Il n'y a jamais de similitude, pas plus qu'il n'y a d'exactitude. Ce qui est exact est déjà trop exact, seul est exact ce qui s'approche de la vérité sans y prétendre».
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«La politique révolutionnaire se donnait pour but prochain la synthèse. On allait voir paraître dans les faits la dialectique. La révolution, c'était le point sublime où le réel et les valeurs, le sujet et l'objet, le jugement et la discipline, l'individu et la totalité, le présent et l'avenir, au lieu d'entrer en collision, devaient peu à peu entrer en connivence. Le pouvoir du prolétariat était la nouveauté absolue d'une société qui se critique elle-même et qui élimine de soi les contradictions par un travail historique infini [...]. Que reste-t-il de ces espoirs ? Ce n'est pas tellement qu'ils aient été déçus et la révolution trahie : c'est plutôt qu'elle s'est trouvée chargée d'autres tâches, que le marxisme supposait accomplies [...]. Dès 1917, contre la philosophie synthétique du marxisme de langue allemande se dessine en Russie un marxisme des antithèses dont les livres philosophiques de Lénine sont le modèle. Et cette persistance des antinomies dans la philosophie communiste reflète leur persistance dans l'action. Il est significatif que Sartre fonde maintenant sa défense de la politique communiste sur les antinomies que la révolution éliminait, et justifie relativement le communisme comme un effort tout volontaire pour passer outre, détruire et recréer l'histoire quand Marx le comprenait aussi comme la réalisation de l'histoire.» Maurice Merleau-Ponty.
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Max Weber et l'intelligence du social : Prolégomènes
Jean-pierre Grossein
- Gallimard
- Tel
- 7 Novembre 2024
- 9782072879784
Avant de s'engager sur la voie d'une «sociologie de compréhension», Max Weber a construit un espace théorique et méthodologique dans lequel pourrait se déployer, à l'abri de la tutelle des sciences de la nature et à l'écart de l'herméneutique des «sciences de l'esprit», une démarche scientifique spécifique, celle de sciences sociales conçues comme des «sciences historiques de la culture». C'est à suivre l'émergence de cette problématique que Jean-Pierre Grossein, traducteur et commentateur reconnu de l'oeuvre wébérienne, consacre la présente étude. Elle met en relief ce qui sous-tend le questionnement wébérien et lui confère à la fois son ouverture et sa dynamique, à savoir
sa dimension éthique, telle qu'elle s'exprime dans la volonté de connaître la réalité sociale et historique en toute lucidité, afin d'agir de manière responsable dans le monde. Une dimension éthique qui s'inscrivait au départ dans les termes d'une problématique protestante réformée et dont la portée se manifestera à tous les niveaux du parcours wébérien, au plan de la connaissance comme au plan de l'action, le souci de l'homme et le souci du monde se conjoignant dans un même horizon - le souci, pour ne pas dire le salut. À cet égard, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, qui ouvre la voie à des thématiques au coeur de la construction wébérienne, est l'objet d'une grande attention. -
Immense texte bref de la tradition philosophique, rédigé peut-être lors du second séjour d'Aristote à Athènes, entre 335 et 323 avant J.-C., la Poétique a laissé, dans l'histoire de l'art occidental, une trace profonde. C'est la première définition spécifique de la «poésie» et de l'«art» (technè). La poïèsis est une «imitation» (mimèsis) ou un «mime», qui ne reproduit pas une réalité préalable ; si bien que le poème «ne s'intéresse pas à ce qui est, mais à ce qui peut être.» Le traité aristotélicien décrit plus qu'il ne prescrit. Aristote se préoccupe essentiellement d'expliquer ce qui fait que telle oeuvre singulière est une oeuvre d'art. S'il a transmis quelques concepts bientôt devenus d'authentiques poncifs (comme la catharsis), s'il a été déformé régulièrement et de manière toujours intéressante, ce texte unique et inaugural présente surtout deux grandes modalités du poétique : le drame et le récit, dont les deux formes sont le poème tragique et le poème épique.
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Récoltes et semailles I, II : réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien
Alexandre Grothendieck
- Gallimard
- Tel
- 2 Mars 2023
- 9782073004833
Considéré comme le génie des mathématiques de la seconde moitié du XX? siècle, Alexandre Grothendieck est l'auteur de Récoltes et semailles, une sorte de «monstre» de plus de mille pages, selon ses propres termes. Le tapuscrit mythique, qui s'ouvre sur une critique acerbe de l'éthique des mathématiciens, emmènera le lecteur jusque dans les territoires intimes d'une expérience spirituelle après l'avoir initié à l'écologie radicale. Dans cette tresse littéraire s'entremêlent plusieurs récits, «un voyage à la découverte d'un passé ; une méditation sur l'existence ; un tableau de moeurs d'un milieu et d'une époque (ou le tableau du glissement insidieux et implacable d'une époque à une autre...) ; une enquête (quasiment policière par moments, et en d'autres frisant le roman de cape et d'épée dans les basfonds de la mégapolis mathématique...) ; une vaste divagation mathématique (qui en sèmera plus d'un...) ; [...] un journal intime ; une psychologie de la découverte et de la création ; un réquisitoire (impitoyable, comme il se doit...), voire un règlement de comptes dans "le beau monde mathématique" (et sans faire de cadeaux...)».
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«Les objets en particulier n'épuisent pas leur sens dans leur matérialité et leur fonction pratique. Leur diffusion au gré des finalités de la production, la ventilation incohérente des besoins dans le monde des objets, leur sujétion aux consignes versatiles de la mode : tout cela, apparent, ne doit pas nous cacher que les objets tendent à se constituer en un système cohérent de signes, à partir duquel seulement peut s'élaborer un concept de la consommation. C'est la logique et la stratégie de ce système d'objets, où se noue une complicité profonde entre les investissements psychologiques et les impératifs sociaux de prestige, entre les mécanismes projectifs et le jeu complexe des modèles et des séries, qui sont analysées ici.» Jean Baudrillard.
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Georges Bataille (1897-1962) est une figure singulière dans la philosophie et l'anthropologie contemporaines. Son itinéraire - profondément désordonné et tout à la fois spirituel, politique et littéraire - répond, par-delà les limites du convenu, à la volonté de révéler une vue souveraine, dégagée des servitudes qu'impose la vie. L'expérience intérieure en fournit une belle illustration, qui s'interroge sur la souffrance s'avouant du désintoxiqué, une fois que l'homme se convainc de ses deux seules certitudes : qu'il n'est pas tout et qu'il est mortel. Alors l'esprit se meut dans un monde étrange où l'angoisse et l'extase se composent. Bataille en décrit ainsi le mouvement : «C'est jouer l'homme ivre, titubant, qui, de fil en aiguille, prend sa bougie pour lui-même, la souffle, et criant de peur, à la fin, se prend pour la nuit».
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Le nouvel esprit du capitalisme
Luc Boltanski, Eve Chiappello
- Gallimard
- Tel
- 24 Février 2011
- 9782070131525
Le capitalisme prospère ; la société se dégrade. Le profit croît, comme l'exclusion. La véritable crise n'est pas celle du capitalisme, mais celle de la critique du capitalisme. Trop souvent attachée à d'anciens schémas d'analyse, la critique conduit nombre de protestataires à se replier sur des modalités de défense efficaces dans le passé mais désormais largement inadaptées aux nouvelles formes du capitalisme redéployé. Cette crise, Eve Chiapello et Luc Boltanski, sociologues, l'analysent à la racine. Ils tracent les contours du nouvel esprit du capitalisme à partir d'une analyse inédite des textes de management qui ont nourri la pensée du patronat, irrigué les nouveaux modes d'organisation des entreprises : à partir du milieu des années 70, le capitalisme renonce au principe fordiste de l'organisation hiérarchique du travail pour développer une nouvelle organisation en réseau, fondée sur l'initiative des acteurs et l'autonomie relative de leur travail, mais au prix de leur sécurité matérielle et psychologique. Ce nouvel esprit du capitalisme a triomphé grâce à la formidable récupération de la « critique artiste », celle qui, après Mai 68, n'avait eu de cesse de dénoncer l'aliénation de la vie quotidienne par l'alliance du Capital et de la bureaucratie. Une récupération qui a tué la « critique artiste ». Dans le même temps la « critique sociale » manquait le tournant du néocapitalisme et demeurait rivée aux vieux schémas de la production hiérarchisée ; on la trouva donc fort démunie lorsque l'hiver de la crise fut venu. C'est à une relance conjointe des deux critiques complémentaires du capitalisme qu'invite cet ouvrage sans équivalent.
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La lecture est l'une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons un aspect, une saveur et même un style à notre existence. «J'allais rejoindre la vie, la folie dans les livres. [...] La jeune fille s'éprenait de l'explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j'ai tiré ma fantasmagorie la plus intime...» Lorsque le jeune Sartre se rêve en héros après avoir lu les aventures de Pardaillan, il ne fait rien d'exceptionnel, sinon répéter ce que nous faisons tous quand nous lisons, puissamment attirés vers des possibilités d'être et des promesses d'existence que donne la littérature. C'est dans la vie ordinaire que les oeuvres se tiennent, qu'elles déposent leurs traces et exercent leur force. Il n'y a pas d'un côté la littérature, et de l'autre la vie ; il y a au contraire, dans la vie elle-même, des formes, des élans, des images et des styles qui circulent entre les sujets et les oeuvres, qui les exposent, les animent, les affectent. Car les formes littéraires se proposent dans la lecture comme de véritables formes de vie, engageant des conduites, des démarches, des puissances de façonnement et des valeurs existentielles. Dans l'expérience ordinaire de la littérature, chacun se réapproprie son rapport à soi-même, à son langage, à ses possibles et puise dans la force du style une esthétique.
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Elias Canetti (1905-1994) parle de Masse, comme Michelet du Peuple ou Tocqueville de la Démocratie. Il propose une théorie des rapports qui unissent les phénomènes de masse à toutes les manifestations de la puissance.Poussée d'irrationnel ? Explosion d'un fond primitif mal avoué ? Résurgence d'une panique collective jamais analysée ? C'est tout cela à la fois : Masse et puissance - Masse und Macht dans le titre original - est l'oeuvre d'une vie. Non celle d'un universitaire ou d'un savant, mais celle d'un écrivain dont le style, par la force et l'éclat de ses formules, parvient à convaincre le lecteur de la réalité quasi biologique de sa démonstration.Quel contemporain des guerres mondiales et des révolutions, des fascismes et du national-socialisme, ne sentira à quel point cette intuition nourrie de forte érudition anthropologique et psychanalytique s'enracine au plus intime, au plus charnel des bouleversements du siècle ?
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Discours de métaphysique/monadologie
Gottfried Wilhelm Leibniz
- Gallimard
- Tel
- 24 Octobre 1995
- 9782070738434
Le Discours de métaphysique (1686) est le premier état d'ensemble de la philosophie de Leibniz. Il y expose sa célèbre thèse selon laquelle Dieu a créé le meilleur des mondes possibles, thèse qui alimentera l'ironie de Voltaire et sa critique mordante développée dans le Candide... en toute mauvaise foi philosophique. Leibniz esquisse sa théorie des substances individuelles, ou «monades», celle de l'harmonie préétablie qui va de pair avec l'idée d'un progrès indéfini du savoir, et, contre la physique mécaniste de Descartes, développe la théorie d'une conservation de la force. La Monadologie (1714) est un résumé de toute sa philosophie, composé en français, qui sert de guide à la compréhension de son oeuvre dans la mesure où ce terme donne le juste point de vue auquel il faut parvenir au terme de l'interprétation. C'est en quelque sorte la solution des problèmes développés au cours de l'oeuvre.
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La pensée philosophique et scientifique a accompli une révolution profonde aux XVI? et XVII? siècles. De Copernic à Galilée, de Descartes à Newton et à Leibniz, Alexandre Koyré retrace les étapes de cette révolution spirituelle. «Un processus en vertu duquel l'homme a perdu sa place dans le monde ou, plus exactement peut-être, a perdu le monde même qui formait le cadre de son existence et l'objet de son savoir, et a dû transformer et remplacer non seulement ses conceptions fondamentales mais jusqu'aux structures mêmes de sa pensée.»
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Écrits des condamnés à mort sous l'occupation nazie : (1939-1945)
Michel Borwicz
- Gallimard
- Tel
- 11 Mai 2023
- 9782073000309
Les «écrits des condamnés à mort», ce sont les écrits produits dans les ghettos et les camps de l'Europe occupée par les nazis - des poèmes, des journaux intimes, des chroniques, etc. -, ce sont les manuscrits enterrés par les Sonderkommandos, les archives clandestines des ghettos, mais aussi les inscriptions sur les murs de la prison de Fresnes et la poésie de la Résistance en France, en Italie ou ailleurs. Michel Borwicz (1911-1987), lui-même survivant de la Shoah en Pologne et ancien combattant de la Résistance polonaise, émigré en France en 1947, a écrit en 1953 cette première étude socio-historique sur le phénomène du recours à l'écriture face à la violence destructrice du nazisme. Ce livre à la fois pionnier et méconnu, insolite dans sa généalogie, sa conception et sa composition, est une oeuvre de l'exil nourrie par toute l'expérience de son auteur pendant et après la guerre. Riche d'une incomparable documentation, il est aussi l'un des premiers ouvrages d'histoire en français sur la destruction des Juifs de Pologne et, plus discrètement, un livre de souvenirs, un livre témoin.
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Postface inédite de l'autrice
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L'oeil du Quattrocento ; l'usage de la peinture dans l'Italie de la Renaissance
Michael Baxandall
- Gallimard
- Tel
- 16 Janvier 2020
- 9782072878145
Histoire sociale et histoire de l'art ne font qu'un : c'est ce qu'après tant d'études qui ne se sont intéressées qu'à la signification propre de l'oeuvre d'art, ou à sa signification purement sociale, illustre admirablement Michael Baxandall, historien anglais, sur l'exemple de la peinture italienne de la Renaissance. À quelle demande exacte répondaient Masaccio, Filippo Lippi, Andrea del Castagno ou Fra Angelico ? De quel sens leurs oeuvres étaient-elles chargées, et comment les regardaient leurs destinataires et leurs commanditaires ?
C'est à ce type de questions que répond l'auteur en analysant le marché de l'art, à travers les contrats, les correspondances et les registres de comptes. En montrant aussi comment les dispositions visuelles nées de la vie quotidienne, religieuse, sociale ou commerciale de l'époque sont devenues des éléments déterminants du style du peintre. Retrouver l'oeil du Quattrocento, c'est rafraîchir le nôtre.
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L'Écho rochelais, 18 juillet 1860.
«Comme il n'est bruit, dans notre ville, que d'une métamorphose étrange, extraordinaire en physiologie médicale, nous allons en dire quelques mots, d'après des renseignements pris à bonne source.
Une jeune fille, âgée de vingt et un ans, institutrice aussi remarquable par les sentiments élevés du coeur que par une instruction solide, avait vécu, pieuse et modeste, jusqu'à ce jour, dans l'ignorance d'elle- même, c'est-à-dire dans la croyance d'être ce qu'elle paraissait dans l'opinion de tous, bien qu'il y ait eu, pour gens d'expérience, des particularités organiques qui eussent dû faire naître l'étonnement, puis le doute, et, par le doute, la lumière ; mais l'éducation chrétienne de la jeune fille était l'innocent bandeau qui lui voilait la vérité.
Enfin, tout récemment, une circonstance fortuite est venue jeter un certain doute dans son esprit ; appel a été fait à la science, et une erreur de sexe a été reconnue... La jeune fille était tout simplement un jeune homme.»
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Miettes philosophiques : Le concept de l'angoisse ; Traité du désespoir
Søren Kierkegaard
- Gallimard
- Tel
- 1 Juin 1990
- 9782070719617
Les deux premiers ouvrages ont été écrits en 1844, la même année où Marx rédigeait ses fameux Manuscrits de Paris : cette année est le symbole de la réaction antihégélienne, c'est-à-dire de la réaction antiphilosophique au sein de laquelle nous sommes encore plongés. Le Traité du désespoir date de 1849. Ces textes préparent la critique nietzschéenne, car ils manient la même ironie, prêtent la même attention au style philosophique, attaquent de front la tradition et ses principes les mieux établis. Kierkegaard reste le fondateur de la pensée «existentialiste», qu'elle soit chrétienne, athée ou marxisante.
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Avec Ou bien... Ou bien..., publié en 1843, Kierkegaard inaugure sa production «pseudonyme», c'est-à-dire sa longue explication avec les différents auteurs virtuels avec lesquels se décompose son identité littéraire. Ici Victor Eremita, figure policière de l'éditeur-voyeur, recueille, à travers la grille de l'écriture, la confession alternée de deux voix sans visage et sans nom : la première (A), tournant avec obstination autour d'une scène théâtrale où se rejoue sans trêve le même Don Juan de Mozart, aboutit au célèbre Journal du séducteur ; la seconde (B), dénonçant au contraire tout spectacle et toute répétition, met le destinataire devant le sérieux terrible de la décision irrévocable. L'esthète et l'époux, celui qui n'est personne et celui qui est quelqu'un, l'homme de l'aphorisme et l'homme du sermon, telles sont les figures contrastées où Kierkegaard se plaît ironiquement à incarner les catégories majeures de la Logique hégélienne, mimant tour à tour la dispersion errante de l'Être et le recueillement solennel de l'Essence. Il en résulte une oeuvre qui n'a son équivalent dans aucune langue, et dont la déconcertante modernité n'a pas cessé de nous devancer.
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Georges Bataille avait un grand projet : élaborer, à partir d'une critique de l'utile, une économie générale qui désaliène l'homme rivé au travail et restitue sa « part maudite » - la consumation, libre, gratuite.
Il fait l'hypothèse d'un temps originaire où le monde se serait donné à l'homme dans un pur rapport d'immanence et d'immédiateté. Le monde était alors l'intime de l'homme, il était excès, il était passion : « Le monde intime s'oppose au monde réel comme la démesure à la mesure, la folie à la raison, l'ivresse à la lucidité ».
Désormais, dans le monde transcendant - ce monde où l'homme rivé au travail s'invente des fins hors de lui et à atteindre dans l'avenir - l'érotisme permet de redécouvrir la possibilité de dépenses d'énergie sans cette utilité immédiate qui nous asservit. L'érotisme enfièvre, dépense, gaspille. Puisque sur lui seul l'avenir n'a pas de prise, il est « la voie la plus puissante pour entrer dans l'instant ».
Cet ouvrage est extrait du tome VIII des OEuvres complètes de Georges Bataille.
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Édition revue et complétée
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Traduction revue et corrigée avec le concours de Jean Beaufret, François Fédier et François Vezin
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La relation à l'Autre : au coeur de la pensée sociologique
Dominique Schnapper
- Gallimard
- Tel
- 12 Janvier 2023
- 9782073001276
Dominique Schnapper restitue de manière originale l'histoire de la sociologie. Elle montre que celle-ci se structure autour de styles nationaux qui n'ont ni la même origine ni les mêmes objets premiers, par exemple Durkheim et le défi de l'intégration républicaine ; Max Weber et l'interaction des hommes en société ou en communauté ; la sociologie anglaise et l'héritage de l'Empire ; ou bien encore l'école de Chicago et l'obsession de la ségrégation des Noirs. Elle définit enfin la nature de la sociologie, cet effort de connaissance rationnelle de l'ordre social qui universalise par principe des données objectives toujours particulières.Aujourd'hui les passions sont fortes qui opposent les «universalistes» et les «identitaires» sur les manquements des démocraties à leurs propres valeurs. Comment la connaissance sociologique permet-elle de comprendre les écarts entre les principes proclamés et la réalité des discriminations et des marginalités ? Faut-il penser qu'elles sont les effets de l'ordre démocratique lui-même ou, au contraire, de ses vertus et de ses inévitables limites ?
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Il n'est pas aisé de tourner le dos aux évidences de la négation. L'auteur s'y est astreint, sans y parvenir toujours. « Le non m'excède » (leitmotiv du dernier chapitre) est comme la clef d'un livre où le oui surgit plutôt d'une nostalgie que d'un raisonnement. Ceux qui, éprouvant le vide comme une certitude affective, l'assimilent à une donnée primordiale de la conscience, comment se hausseraient-ils à l'affirmation ? Rien de plus difficile pour eux que de concevoir l'être; inaptes à le saisir par l'esprit, ils s'évertuent à le conquérir par la volonté, en même temps qu'ils poussent la négation jusqu'au point où elle s'annule elle-même. Il existe un savoir mortel à la vie, destructeur par essence, dont ces essais se réclament et se détournent tout ensemble. Autant dire qu'ils se présentent comme une série de perplexités, comme l'illustration d'un tiraillement. Si, entre l'être et le connaître, l'auteur opte en fin de compte pour le premier, c'est qu'il s'est exercé à penser contre soi, contre ses certitudes : tiraillement encore, qu'il a instauré cette fois au plus intime de lui-même. Dans ses conclusions, La tentation d'exister n'est qu'une protestation contre la lucidité, une apologie pathétique du mensonge, un retour à quelques fictions salutaires.