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Galilee
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Sorte de « paria isolé dans le petit monde des Arts plastiques », selon le mot d'Alain Mousseigne, « dérangeant les tenants d'un retour à la figure et au romantisme pictural, traître pour les formalistes de tout crin », François Rouan aura poussé assez loin, assez haut, l'art de déplaire.
Le sillon qu'il creuse à contre-courant des modes ne l'empêche pas, pourtant, d'être sensible au bruit du monde et aux tremblements de l'Histoire. Ne l'empêche pas non plus de compter, de Balthus à Bernard Noël ou Lacan un réseau d'amitiés fidèles.
Reste qu'il sait aussi, poussé par la soif de nouvelles pratiques et de nouveaux supports, s'installer là où on ne l'attend pas : du côté de la photographie, qu'il grave, lacère ou tresse pour mieux l'arracher au réel, ou de la vidéo, photophanie en mouvement...
Première biographie du peintre François Rouan.
Agnès Fabre a été pendant dix ans responsable de l'enseignement des Arts plastiques et du cinéma dans l'académie de Créteil. Elle s'était employée auparavant à dresser le premier état d'un catalogue raisonné de l'oeuvre peint et dessiné de François Rouan. -
Publié à l'occasion d'une exposition sur le portrait contemporain au MART de Revereto, ce texte donne une lecture de l'histoire du portrait comme étant celle de la "vérité en peinture" dont parlent Cézanne et Derrida. De l'immortalisation et la glorification du modèle à son effacement dans une vision brouillée ou un miroir sans reflet, il s'agit autant de la vérité du sujet que de celle de l'art.
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Mauvais sang ; les nazis et l'art "dégénéré"
Jean-marie Touratier
- Galilee
- Debats
- 24 Mai 2018
- 9782718609713
L'exposition d'« art dégénéré » de Munich, juillet 1937, est bien connue. Elle a fait l'objet de multiples publications et commentaires, et même de reconstitutions. Elle figure dans les programmes scolaires. Et cependant, il lui est donné une lecture qui, sans être fausse, loin de là, occulte le sens profond que les nazis lui donnaient et qu'il est toujours dangereux de ne pas voir.
Car il ne s'agit pas seulement d'une machine de guerre contre l'art contemporain et ses artistes, mais de faire la preuve par l'exemple de peintures, sculptures, dessins, textes, de l'effet sur le peuple, sur le Volk, sur la communauté du peuple assemblée derrière son Führer, de ce que donne en actes artistiques la perversion par le sang, autrement dit le métissage du non-aryen.
Heureusement pour nous, ce que les nazis ont cru être un art corrompu, bon pour le bûcher, s'avère n'être rien de moins que l'art vivant du XX e siècle, un art foisonnant, inventif, novateur, l'un des plus riches de toute l'histoire de l'art.
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Tourner les mots : chercher le langage le moins inapproprié pour dire un film, certes, mais aussi en vue de tourner autour des mots, pour les contourner, sans toutefois renoncer à les " tourner ", caméra en main : au-delà du méta-discours sur le cinéma, et plutôt qu'un " langage cinématographique ", tenter une autre cinématographie de la parole.
D'abord un simulacre de dialogue : un " Acteur " (" alias moi, Jacques Derrida ") et un Auteur (" alias moi, Safaa Fathy ") croisent leur mémoire mais aussi leur réflexion. Il leur aurait fallu, contre les lois du genre, inventer le statut d'un film, D'ailleurs, Derrida : ni une fiction ni un documentaire, bien qu'il soit produit dans la série " Profils " d'Arte.
Lune des deux voix hésite " . frappés de mutisme, appauvris et assignés à résidence ", les mots " se laissent ainsi déloger par les icônes muettes d'un film, des silhouettes plus fortes que la langue, images promises, images prises, images encore virtuelles, images gardées, images exclues.
Comment pourrions-nous dire ici toutes les durées enchevêtrées de ces possibles ? Comment parler de nos expériences respectives, si différentes, si intraduisibles l'une dans l'autre ? Comment accorder nos endurances de ce que fut un tournage - sa veille, ses lieux, les rôles qu'il nous assigna, son temps et son labeur, son lendemain aussi, l'écriture de montage, puis le retour à l'écran ? " Après ce dialogue aux voix indiscernables, Jacques Derrida (" Lettres sur un aveugle ") et Safaa Fathy (" Tourner sous surveillance ", " Tourner sur tous les fronts ") reprennent la parole, chacun pour soi : deux autobiocinématographies.
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Vicky Colombet pratique la peinture à la façon d'un ensemencement. Ses tableaux, que l'on pourrait nommer paysages bien qu'ils restent résolument abstraits, sont faits de plis où la lumière se niche, entre enfouissement et éblouissement.
Un pli se forme, un pli s'ouvre, afin que quelque chose advienne, encore. Chaque tableau, qui naît d'un rituel intime, oscille entre mélancolie et renaissance.
C'est la beauté du monde, celle qui s'enfuit, celle qu'il est peut-être possible de sauver un peu, par la peinture comme manière de vivre, qui se donne là.
Vicky Colombet paints almost the way one might cultivate soil. Her paintings, which could be called landscapes even though they remain resolutely abstract, are made of folds in which light nestles, between burrowing and effulgence.
A fold is created, a fold opens, so that something can emerge.
Each painting, born of an intimate ritual, oscillates between melancholy and rebirth.
The beauty of the world, a fleeting beauty, of which some can be saved a little through painting as a way of life, gives itself over to her work.
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Cet ouvrage rassemble une partie de la correspondance échangée entre le philosophe Jean-Luc Nancy et le peintre Simon Hantaï. Des documents, des textes où l'artiste parle de son travail et de son histoire, ainsi que des travaux anciens sont rattachés à ces lettres. Publié à l'occasion de la rétrospective organisée à Beaubourg en 2013.
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La peinture traverse toute l'oeuvre de Diderot, et pourtant elle demeure insaisissable.
Elle surgit régulièrement au détour d'une digression, comme dans la Lettre sur les aveugles, où sa trace se perd toutefois aussitôt. Lorsque la peinture est au contraire placée explicitement au coeur du propos, Diderot s'en détourne rapidement pour laisser sa pensée suivre son cours, et cela donne les Pensées détachées sur la peinture. Diderot a bien sûr largement contribué à donner ses lettres de noblesse à la critique d'art, mais il aura fallu toute l'insistance de l'ami Grimm pour que l'encyclopédiste aille promener sa plume dans les neuf Salons - et les tableaux y tiennent alors souvent lieu de décor devant lequel le salonnier met en scène ses propres expériences esthétiques.
La présence de la peinture semble donc, dans l'oeuvre du Philosophe, à la fois marginale et insistante, il aime s'en détacher pour mieux y revenir comme malgré lui. Les trois essais réunis ici s'efforceront de montrer, à trois moments bien distincts, que la peinture est en fait essentielle à l'écriture et à l'esthétique de Diderot. Ces trois essais n'ont aucune visée totalisante ou synthétique ; ils proposent au contraire un regard oblique sur une oeuvre foisonnante où l'essentiel n'est jamais là où l'on croit l'avoir vu.
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L'apiculteur et les Indiens ; la peinture de Gérard Garouste
Michel Onfray
- Galilee
- Ecritures/figures
- 25 Juin 2009
- 9782718607986
Fils de son siècle, Gérard Garouste admire Duchamp, mais n'oublie pas que le grand ancien a cent ans. Il investit la peinture comme moyen de questionner l'énigme du monde et offre des pièces uniques (nimbées de l'aura chère à Walter Benjamin) qui résistent à la tyrannie des images reproductibles.
Fils d'un père ayant fait fortune dans la spoliation des biens juifs, Gérard Garouste est un genre de marrane inversé : il ne s'est pas converti au judaïsme, mais manifeste au grand jour les signes d'une appartenance à cette culture généalogique. Il donne lui-même les clés biographiques de la lecture de son oeuvre qui, sinon, semble onirique.
Fils de l'herméneutique du XXe siècle, il étudie l'hébreu et demande à sa peinture qu'elle fournisse le journal de bord de son ascèse spirituelle et mentale. Soucieux de questionner l'identité, l'origine, la traduction comme trahison, il s'insurge contre la spoliation chrétienne du texte juif : il peint cette insurrection.
Fils d'un siècle nihiliste et décadent, il récuse les récupérations des tenants réactionnaires en esthétique, qui voudraient faire de lui le parangon du retour à la figuration, tout autant que la captation des amoureux du sacré qui voudraient annexer sa peinture à leurs fadaises. Il peint des énigmes déchiffrables qui déchristianisent le judéo-christianisme dans sa perspective qui est sans Dieu.
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L'arbre et l'arme ; et autres textes sur Pierre Alechinsky
Christian Dotremont
- Galilee
- 20 Septembre 2007
- 9782718607498
Bruxelles, mars 1949 : dans les combles du Palais des Beaux-Arts " où pas un chat ne vient ", Pierre Alechinsky, 21 ans, rencontre Christian Dotremont qui assure le " gardiennage " de la première exposition CoBrA. Le groupe existe depuis quelques mois : soudaine et formidable ouverture pour le jeune artiste, et le début d'une féconde amitié de trente ans. Dotremont (1922-1979) est l'inventeur de l'acronyme (Copenhague-Bruxelles-Amsterdam), le coordonnateur et la plume de CoBrA, avant, pendant (1948-1951) et après. Outre un roman, La Pierre et l'Oreiller (Gallimard), oeuvres poétiques complètes (Le Mercure de France), les textes critiques et bien sûr ses " peintures-mots " et logogrammes, il écrit, de 1953 à 1978, dix textes sur le travail d'Alechinsky : ses peintures, dessins, son film Calligraphie japonaise, ses expériences à deux pinceaux avec Walasse Ting, Karel Appel, etc. Ces textes sont réunis ici pour la première fois, y compris un important inédit de 1957. On y retrouve à chaque page le culot, l'acuité, le sens du contre-pied, la justesse d'observation, la feinte désinvolture, le phrasé qui font la force intacte de la prose de Dotremont.
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Et s'il n'en restait qu'un, de chaque courant, Monet pour l'impressionnisme, Cézanne pour la Peinture-peinture, Picasso pour le cubisme, Matisse pour le fauvisme... jusqu'à Marcel Duchamp pour la clôture avant les reprises fulgurantes de Klein, de Warhol et de Jean-Michel Basquiat pour finir ?
C'est le pari un peu fou de Pierre Nahon, qui, après avoir défendu toute sa vie ses artistes et pas des moindres, Dado, Klossowski, Dufour, et bien sûr Tinguely, César, Arman, Spoerri, Niki et bien d'autres, a entrepris de refaire l'histoire de l'art au grand dam de ses contemporains.
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Le légendaire de Marcel Duchamp
Jean-marie Touratier
- Galilee
- Ecritures/figures
- 19 Novembre 2020
- 9782718610054
« Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. ».
De cette citation archi-célèbre er archi-célébrée de Marcel Duchamp, on n'a pas tiré toute la substance, tout le sens, toutes les conséquences. Je me propose, autour de quatre oeuvres majeures, d'observer comment la grande affaire n'est pas ce qu'on croit y trouver, disons un sorte de subversion ironique de l'art, mais, au contraire, est fondée sur la question de la peinture. Le grand sujet de Duchamp, son ennemi bien aimé, c'est la peinture. Son oeuvre démontre que son enjeu ne s'épuise pas au regard, au seul regard, mais s'ouvre à ce qu'on pourrait appeler la pensée au regard. Bref, pour qui sait voir, à une prise en soi, pour soi, pour la richesse de soi, de ce qui se dévoile en peinture.
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François Rouan, Photographies n'est pas un livre de photographe. C'est le livre d'un peintre qui, à intervalles plus ou moins réguliers, se saisit du médium photographique pour le faire résonner avec son travail de peinture.
Depuis plus de vingt-cinq ans, cette pratique témoigne avant tout pour Rouan du dialogue qu'il tisse avec les modèles qui posent pour lui dans l'atelier. Elle lui permet de laisser trace du vivant de ces échanges tout en maintenant à distance l'idéalisation de la belle forme par un dispositif qui, d'entrée de jeu, défait la littéralité du sujet. Il y parvient en choisissant de travailler avec une machinerie délibérément anachronique dont il débraye l'avancée mécanique.
Dès la première prise de vue, par l'effet de cette progression à l'aveugle et d'un cadrage aléatoire brouillé par les glissés et les superpositions, l'image se trouve dans le même temps impressionnée et déjà troublée par la suivante. La bande ainsi traitée est ensuite déposée au réfrigérateur pour y être conservée aussi longtemps que l'artiste le désire.
Plus tard, éventuellement des années après ces prises de vue dans l'atelier, l'artiste, au gré de ses promenades sur la côte picarde, les plages normandes, en Engadine, en Italie, ou encore en Dordogne au château de Hautefort, se saisit du rouleau réembobiné et le charge des paysages traversés qui s'impriment sur le corps des modèles pour les tatouer, les voiler ou les masquer. Les tirages qui résultent de ce processus condensent ainsi les strates de temps différés et d'espaces disjoints.
Plus que des photographies, ce sont alors des blocs de mémoire qui invitent le regard à circuler entre les veines d'un feuilletage marbré de corps, de ciel, de terre ou d'eau, griffé parfois d'empreintes peintes.
Les pages d'un journal d'atelier rassemblant notes et fragments écrits par François Rouan entre 2012 er 2018, évoquent, au centre du livre, et en contrepoint aux travaux photographiques, l'espace mental où s'élabore la peinture.
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Sovietart propose une relecture du réalisme socialiste à travers la collection de peintures de Marianne et Pierre Nahon, qui dirigèrent pendant plus de trente ans la Galerie Beaubourg.
Pierre Nahon, disparu en septembre 2020, a rédigé la première partie, retraçant le contexte politique et artistique à l'origine de cette collection. C'est en 1992, sur le stand de la Fiac, que fut exposé l'ensemble des tableaux. La trentaine de toiles réunies à la charnière des années 80 et 90 demandaient une analyse approfondie, c'est ainsi que Pierre Nahon a fait appel à Pierre Znamensky afin qu'il raconte en détail ce voyage au pays du réalisme soviétique.
L'URSS a vu se développer plusieurs courants artistiques ayant l'ambition de porter la propagande du régime. Le plus connu d'entre eux est sans conteste le mal nommé réalisme socialiste. Car il n'y a rien de moins réel que le réalisme socialiste. Il s'est employé à dépeindre un monde qui n'existait pas et servit à masquer la réalité soviétique.
Après la mort de Staline, cependant, le réalisme socialiste se transforme et se rapproche de la vérité vécue par les citoyens soviétiques. Certes, il poursuit son oeuvre d'exaltation et de glorification, mais il nuance son enthousiasme militant des origines en exposant l'effort, la souffrance, la sueur, le sacrifice.
Au travers de la collection de Marianne et Pierre Nahon, une réalité soviétique brute et abrupte apparaît à l'observateur. Un réalisme socialiste véritablement réel en quelque sorte, sans fard ni filtre.
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Les impromptus du matin ; hic et nunc
Valerio Adami
- Galilee
- Ecritures Galilee
- 18 Janvier 2018
- 9782718609607
Autobiographie insolite, ces cahiers de l'artiste traversent le passé et le présent en compagnie de la Peinture et de la Mort. Ainsi, les souvenirs d'une enfance presque légendaire croisent les images de la seconde guerre mondiale à la quotidienneté du présent, des promenades avec le petit chien Ego, des attentats à Paris, des réflexions sur la peinture et le travail dans l'atelier.
Présence constante, véritable compagne de ce voyage à travers le temps et les lieux : la Mort, qui ouvre ainsi dans chaque « impromptu », comme dans chaque ligne tracée sur le dessin de l'artiste, la profondeur d'une mélancolie lyrique.
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La dernière grande rétrospective des oeuvres de César eut lieu au Centre de la Viellle Charité à Marseille de juillet à septembre 1993. Bernard Blistène, directeur des musées de la ville à l'époque, fut l'artisan de cette magnifique exposition.
Vingt-cinq ans après (de décembre 2017 à mars 2018), le Musée national d'Art moderne du Centre Pompidou, grâce encore à Bernard Blistène, offre à César et surtout à ses admirateurs, un ensemble rétrospectif qui devrait enfin donner à cet immense artiste la place qu'il mérite dans l'histoire de notre temps.
Comme on pourra le constater une partie de l'oeuvre, les bronzes, n'est pas particulièrement à l'honneur.
C'est l'objet de ce livre : non seulement les réhabiliter mais peut-être, comme César lui-même l'aurait souhaité, montrer que c'est par eux que peut s'apprécier toute la dimension du sculpteur.
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Le travail du peintre François Rouan s'accompagne de notes accumulées au long des mois et des années, comme un humus nourricier.
Les mots se superposent et s'agrègent, à la façon des couches de matériaux infra-minces qu'il évoque si souvent (émulsions au lait de cire, papiers translucides trempés dans la couleur, pellicules plusieurs fois impressionnées). Dans l'atelier s'entrecroisent aussi ombres et fantômes, images, paroles gelées. François Rouan s'entretient en permanence avec les uns et les autres, les très lointains et les très proches.
Il est aux prises avec toute une histoire de la peinture (de l'art), une filiation largement ouverte à redessiner sans cesse, à défendre encore et toujours contre ce qui la menace. Mais d'abord il est là, au milieu de cette foule d'oeuvres fantasmées qui appartiennent à des temps différents - depuis Lascaux jusqu'à Hantaï - et c'est bien à elles qu'il s'adresse sans cesse dans l'intime et le présent du travail.
Les textes ici rassemblés ne sont que des extraits de la conversation en peinture, de "l'échauffement de l'échange, de ces rencontres brûlantes avec des morts que l'on croit morts", qui forment le "fond largement tatoué" de la peinture de François Rouan. Ils constituent surtout des manifestes, appelant à défendre ce qui ne sert à rien, ce qui est "débile" et "mal appareillé", ce qui dévoile et interpelle, la brûlure de la rencontre, et la "délicieuse et terrible gratuité de cette palpitation particulière : le tableau".
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Le peintre qui a vécu l'aventure Cobra - groupe d'artistes expérimentaux nordique - vient s'installer à Paris en 1951.
Début d'une migration vers une autre lumière. Les thèmes changent : les " hautes herbes " deviennent savanes, pelures d'oranges, palmiers, chutes d'eau, volcans, arbres brûlés ou plaques d'égout. L'oeuvre d'Alechinsky bouleverse la structure des tableaux qui se dédoublent en " centre et marges ". Tout y est parcours, croissances, efflorescences, miroitements. Alechinsky est un contemporain majeur par cette remise en cause de l'image unaire.
Comme dans un film, il traque inlassablement le temps et fait émerger une matière naturelle qui nous pétrit paradoxalement d'imaginaire. En témoignent ces effluves, ces fluidités, ces tremblements du papier d'abord roulé en boule, ou estampé à même le sol - touchant la peau du réel pour d'oniriques divagations continuées par les poètes, Dotremont, Butor, Ionesco, Tardieu... Ce " versant Sud " se nourrit d'orientalisme.
Depuis son voyage au Japon en 1955, la forme/le dessin, aux techniques d'encre et d'eau, se rapproche de la calligraphie. Le trait est trace ou signe que le peintre ressource aux origines des écritures. Michel Sicard, depuis une vingtaine d'années, est l'interprète de cette oeuvre où les chemins de la peinture et de l'écriture se croisent, s'exaltent, se multiplient.
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Tout peintre est une exception dans l'histoire de son art.
Ce qu'y aura joué Géricault trouve sa force dans la fusion, l'embrasement des contraires. Tout à la fois formé à la peinture et autodidacte, classique et novateur, instaurant dans le corps d'une tradition tout ce qu'il faut pour qu'elle périsse ; solitaire et entouré d'amis ; cavalier heureux, dilettante aisé et hyperactif douloureux ; ce fou de chevaux pur-sang fut un cheval-peintre, de ces bêtes de race qu'on n'emporte qu'au galop ; fougueux de cet emportement du corps et de l'esprit sans lequel il n'aurait su peindre.
Ce qui fait Géricault, c'est le choc, j'irais jusqu'à dire "le coup de poing" que ce qu'il voit lui jette en pleine face. De cette violence-là que naît toute la force de son art. Roman d'une vie brève qu'interrompt le martyre d'une mort terrible. Son masque mortuaire devint l'emblème de toute une génération. Il entra dans la postérité, non pas par la peinture qu'on ne pouvait guère voir, mais par le mal, la mort qui ronge, la beauté du squelette.
Ce livre achève le cycle commencé avec Le Caravage. Fragments d'une vie violente (Galilée, 1997), puis L'Oeuvre ultime. Giovanni Cosma (Galilée, 1999), et Déjà la nuit. Claude Monet (Galilée, 2005).
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être humain Tome 1 ; Carl Th. Dreyer, Ingmar Bergman
Jean-marie Touratier
- Galilee
- 13 Novembre 2009
- 9782718608051
Les deux études ici rassemblées ont des économies différentes. J'ai essayé d'aborder Dreyer sous l'angle de l'adaptation, ou pour être plus précis : la façon tout à fait singulière et spécifique qu'il a, partant de trois pièces de théâtre, d'en construire la substance de trois films, Jour de colère, Ordet, Gertrud. Si le principe en est connu - Dreyer lui-même n'a pas manqué de le désigner -, une analyse comparative met, à chaque fois, clairement en évidence ce qui fait la particularité et la beauté de ce cinéma-là. J'ai appelé cette première étude : « Le feu sous l'épure », marquant l'extraordinaire force que tire Dreyer du principe de condensation à l'oeuvre dans ses adaptations.
Devant Bergman, le problème est différent. Tant par l'ampleur de l'oeuvre que par la masse des études qui l'environnent. La lecture que j'engage ici cherche à approcher cette manière particulière d'inscrire l'autre, l'autre en soi, tout autant que le en soi-l'autre. Ce que l'on peut désigner, d'un trait, par le fameux regard-désir de Monika-Harriet Andersson dans Un Été avec Monika ; regard qui prend toute sa force à être confronté à ce regard-au-secours de la même Harriet dans Cris et chuchotements autant qu'à ce regard-appel-à-l'aveu-confidence de Marianne-Liv Ullmann dans Sarabande. Gestes, postures, masques et nudités, démons intimes et de l'intime, monstres qui (nous) ingèrent, dits et silences, mots et dédits qui, déployés sur l'oeuvre entier, instruisent la vérité des personnages - autant que de leurs spectateurs -, en cette invention sans fin de l'autre (absent) qu'est le cinéma bergmanien.
Force et beauté d'un cinéma, celui de Dreyer comme de Bergman, qui donne à voir et à savoir ce qu'être humain veut dire.
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être humain Tome 2 ; Yasujiro Ozu, Andreï Tarkovski
Jean-marie Touratier
- Galilee
- Ecritures/figures
- 20 Janvier 2011
- 9782718608297
De Yasujiro Ozu et d'Andreï Tarkovski tout dissemble. D'un côté, l'ordinaire des jours ordinaires, le quotidien en sa prégnance et son ressassement dans un Japon qui, d'empire exotique et autoritaire, sera devenu un démocratique pays d'Occident. De l'autre, une Russie rêvée, désirée, vécue, subie, mais nécessaire à être, où ce qui paraît cache et dérobe ce qui est, les hommes, la vie, la mort, l'apocalypse et l'espérance. Chez Ozu, en somme, une incessante et nécessaire épiphanie du quotidien. Chez Tarkovski, la vérité des choses derrière les choses, la vérité en sa mémoire, en sa souffrance, la nostalgie de la terre-mère et l'infinie perte de soi dans un monde devenant sans nécessité. Il m'a semblé, les étudiant, ainsi les (r)approchant, que chacun, à sa manière, à sa mesure, à son écriture, à son " style ", mettait en espace, en lumière, en corps, en image ce qu'il y a (encore) d'humain dans l'homme, dans ses forces, dans ses faiblesses, dans ses souffrances et ses espoirs, au coeur d'un siècle qui, s'il inventa l'art du cinématographe, fut le plus effroyable de toute l'histoire de l'humanité, si ce mot a encore un sens. Ozu, Tarkovski, chacun cherche à instruire, au coeur même de son oeuvre, l'épaisseur, le poids et la vérité d'être humain. Le premier tome d'Être humain, paru en 2009, était consacré à Carl Th Dreyer et Ingmar Bergman.
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