Filtrer
Éditeurs
Langues
-
Ce livre parle d'aujourd'hui, de nos asphyxies et de nos grands besoins d'air. Parce qu'une atmosphère assez irrespirable est en train de devenir notre milieu ordinaire.
Et l'on rêve plus que jamais de respirer : détoxiquer les sols, les ciels, les relations, le quotidien, souffler, respirer tout court.
Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer, pour que ce soit respirable ou que ça le devienne. Il suffit de prononcer ce mot, « respirer », et déjà le dehors accourt, attiré, aspiré, espéré à l'appel de la langue. -
Le ministère des contes publics
Sandra Lucbert
- Verdier
- La Petite Jaune
- 16 Septembre 2021
- 9782378561178
Une maternité ferme. Un accouchement tourne mal. Un enfant meurt. Interpellé, le préfet n'a qu'une chose à dire : « nous sommes comptables de la dette publique ». Et le verrou est mis.
Proposition de la littérature : tourner la clé.
À l'évidence, tout tient dans une formule - mais qu'est-ce qu'elle tient cette formule ? Un ordre, des intérêts, un verrouillage. En guise de quoi on dit : LaDettePubliqueC'estMal. C'est un assommoir : trente ans de répétition, des parleurs, des figures, des grimaces - tous les tours de l'autorité. Qui n'y feront rien : ce seront toujours des contes.
Mauvais livre de contes : l'ouvrir, le désosser, le bazarder.
-
Sidérer, considérer ; migrants en France, 2017
Marielle Macé
- Verdier
- La Petite Jaune
- 23 Août 2017
- 9782864329367
S'intéresser aux formes des vies, c'est s'inté- resser à ce que toute vie a non pas d'unique, même si elle est unique, mais de semblable et de dissemblable à d'autres - c'est-à-dire d'égal.
Marielle Macé poursuit cette conviction de l'égalité des vies, et réclame une attention patiente aux existences les plus précaires, qui vise, avec les moyens de la littérature et du documentaire, à « rendre la réalité inac- ceptable ».
-
Du cap aux grèves ; récit d'une mobilisation, 17 novembre 2018 - 17 mars 2020
Barbara Stiegler
- Verdier
- La Petite Jaune
- 20 Août 2020
- 9782378560829
Malgré le naufrage et la multiplication des alertes, le cap est à ce jour inchangé : c'est l'adaptation de toutes les sociétés au grand jeu de la compétition mondiale. Une marée de gilets jaunes a pourtant surgi sur le pont, bientôt rejointe par d'innombrables mutineries pour défendre les retraites, l'éducation et la santé. Reste, pour aller du cap aux grèves, à conjurer l'obsession du programme et du grand plan, qui paralyse l'action. Et à passer de la mobilisation virtuelle des écrans à la réalité physique des luttes et des lieux.
À travers le récit de son propre engagement, Barbara Stiegler dit la nécessité de réinventer notre mobilisation là où nous sommes, en commençant par transformer les endroits précis et concrets de nos vies.
-
Enquête sur les enjeux existentiels de la lecture de romans, Sur les lieux interroge la pratique et le désir des lecteurs qui se rendent sur les lieux de la fiction.
Que nous disent ces pèlerinages sur les pouvoirs de la fiction, sur la façon dont les livres, même ceux que nous pensons avoir oubliés, habitent en nous, contribuent à faire vibrer l'épaisseur de durée dans laquelle nous reconnaissons notre vie ? Que nous disent-ils de ce processus - contemporain de l'invention du tourisme, de la démocratisation des loisirs et de la mondialisation - qui voit la littérature devenir un substitut de la religion, ou une « école » de la vie ?
L'essai se déploie sous une forme résolument narrative, comme une odyssée, un périple circulaire de Constantinople à Istanbul, de Chateaubriand à Orhan Pamuk, en passant par Flaubert, Proust, Byron, les Goncourt..., un voyage à la fois dans l'espace et dans le temps, pour décrire l'évolution et l'état présent du souci littéraire. -
Les transformations que réclame notre époque, face à l'épuisement de notre système productif, aussi bien qu'à la désagrégation de la vie commune, ne sont pas uniquement d'ordre économique, social ou politique. Il en va d'abord de notre rapport au temps, de la dimension philosophique et morale de son usage.
La dépossession et l'oubli du temps, aussi bien existentiel qu'historique, qui caractérise notre époque, nécessitent de repenser notre « sens du temps », de déterminer les conditions de possibilité d'une construction apaisée et maîtrisée de la durée. En dépend notre capacité à vivre et à agir avec responsabilité à l'égard de la réalité présente autant que des générations futures.
C'est en interrogeant le paradoxe énoncé par Sénèque : « Seul le temps nous appartient », que Pierre Caye entend ici montrer le caractère fondamental de notre rapport au temps, repensé notamment à partir de la revalorisation du présent, d'un présent bien plus riche que ce qu'on dénonce aujourd'hui sous le terme de « présentisme » ; ce qui ne va pas sans une critique des grandes philosophies du temps qui ont inspiré et modelé le xxe siècle, le siècle même de la destruction créatrice. -
Le jour vient après la nuit, c'est notre point de départ.
Ce jour est celui de la « veille », qui alors ne désigne plus l'hier, mais l'attention, la responsabilité, le soin.
Jour qui procède de la nuit, la veille est demain. Ce qu'elle désigne et réclame dépend de ce qui se joue dans cette nuit. Rêve ou cauchemar, il nous faut le définir.
Ce texte propose pour cela quatre approches de la nuit, qui sont soeurs et qui se nouent : la nuit comme phosphorescence, la nuit comme accueil, la nuit comme intelligence, la nuit comme déluge. -
Quand nous nous sommes réveillés : nuit du 24 février 2022 : invasion de l'Ukraine
Luba Jurgenson
- Verdier
- La Petite Jaune
- 13 Avril 2023
- 9782378561680
Dans la nuit du 24 février 2022, l'attaque massive de la Russie contre l'Ukraine a réveillé toute l'Europe. Une paix globale et durable sembla soudain n'avoir été qu'un rêve.
Or, en amont de cet événement brutal, de petits indices laissaient présager ce glissement de la société russe vers un nouvel ordre impérial. Et peut-être que le carnaval sanglant qu'est l'« opération spéciale » a été rendu possible par une violence plus ancienne encore, ancrée jusque dans les familles, quotidienne, acceptée.
À travers des images de rêves, fragments de souvenirs, extraits de textes littéraires et réflexions, Luba Jurgenson interroge ces menus détails et dit le choc que l'attaque contre l'Ukraine produit sur le corps de l'Europe et sur une vie qui, comme la sienne, a été marquée par l'exil hors de l'URSS. -
L'aube des moissonneurs : Du néolithique en particulier et de l'archéologie en général
Jean Guilaine, Laurence Turetti, Georges Chaluleau
- Verdier
- Sciences Humaines
- 12 Octobre 2023
- 9782378561833
Pourquoi Homo sapiens devint-il agriculteur ?
Dans cet entretien avec une historienne et un journaliste, Jean Guilaine nous fait part de la réflexion historique qu'il mène depuis des décennies, à partir des faits bruts de terrain, sur la transformation fondamentale que fut l'avènement des sociétés néolithiques et sur leur héritage.
Livrant un mémento indispensable à la compréhension des premières sociétés paysannes, l'auteur fait la synthèse d'une carrière au service d'une science dont il trace les évolutions et les perspectives.
L'archéologie permet de corriger l'histoire officielle, trop souvent réécrite par les tenants du pouvoir. Elle invite à une relecture critique de l'histoire de l'humanité entrevue à travers le prisme de la domination - celle-ci s'exerçant aussi bien au sein du couple et du foyer que dans les domaines économique, politique et religieux. -
Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs
Patrick Boucheron, Mathieu Riboulet
- Verdier
- Litterature Francaise
- 5 Mai 2022
- 9782378561451
Les cinq textes de Mathieu Riboulet rassemblés dans Nous campons sur les rives (Verdier, 2018) furent écrits en amorce de ce que Patrick Boucheron allait dire sous la halle du village de Lagrasse cet été 2017 dans le cadre de ses « conversations sur l'histoire » qu'il anime depuis des années au Banquet du Livre.
En réunissant les préludes de l'écrivain et les interventions de l'historien, il s'agit ici de livrer, telles quelles, ces paroles autour de l'histoire, mondiale ou plus locale, de la littérature, des arts, des sciences, et de tout ce qui a nourri leur dialogue, leur imagination cet été-là. Ce livre est l'archive de la parole d'un nous.
-
Les années 2017-2022 se résument à deux événements : les Gilets jaunes et la pandémie. Aucun rapport entre eux, mais à chaque fois, deux mêmes questions furent soulevées : celle des pouvoirs et celle des droits.
La démocratie et la république héritées reposent sur une exacte coïncidence : pas de pouvoir sans droit, pas de droit qui ne s'accomplisse en pouvoir. À l'opposé, les Gilets jaunes et les anti-passe revendiquent des pouvoirs sans droit, c'est-à-dire une souveraineté.
Jusque-là, on n'en reconnaissait qu'une : la souveraineté du peuple. Les Gilets jaunes et les anti-passe souhaitent la remplacer par la souveraineté des réseaux sociaux. Ce faisant, ils se sont mis au service de ceux qui détestent le peuple. De ce dernier, les ronds-points, défilés et pancartes ne disent plus rien, sinon la destitution.
-
"Voilà longtemps que rien n'est venu s'opposer véritablement à l'ordre des choses.
Même, presque tous ceux qui prétendaient mener une critique sociale ne se sont nullement rendu compte de l'anachronisme de leurs armes. C'est pourquoi il n'est peut- être pas tout à fait inutile de revenir à cet appel d'air, à travers lequel, cherchant à ce que le vent se lève, j'avais misé moins sur la poésie proprement dite que sur l'insurrection lyrique qui en est à l'origine et réussit parfois à embraser tout le paysage.
Ce qui n'est pas sans danger. S'il est alors possible de voir s'illuminer des pans de réalité insoupçonnée, il n'est pas d'édifice théorique qui n'en soit implicitement menacé, chacun ne tenant dans cette lumière que par l'intensité de ce que ses fenêtres laissent voir ou non. Tel est aujourd'hui le risque à courir pour que le regard commence à porter au loin."
-
Banni, honni, objet de tous les préjugés et de toutes les violences, le mendiant incarne bien souvent l'antithèse de l'homme accompli qui, par son travail et sa participation au jeu de la réciprocité sociale et économique, jouit de biens et de droits dans la communauté de ses semblables.
D'où vient un tel partage des vies, entre une forme légitime et celle qui lui sert de repoussoir ? Le mendiant n'est-il que cet « homme sans », réduit à des besoins et des manques, que voit en lui une longue tradition ayant érigé en modèle anthropologique « l'animal politique », soit le citoyen propriétaire ?
Ce livre propose d'interroger et de remettre en cause ce partage des vies, de penser à nouveaux frais la figure du mendiant et la pratique de la mendicité : non plus comme l'archétype de la vie amoindrie, mais comme une forme de vie critique, porteuse d'une vision renouvelée de la vie bonne, tant individuelle que collective. -
-
Disciple de Husserl, Jan Patocka (1907-1977) a rédigé au terme de sa carrière ce magnifique essai qui reprend le débat ouvert entre Husserl et Heidegger sur le thème de la liberté.
L'histoire peut-elle avoir un sens ; non pas en tant que simple séquence d'événements mais en tant qu'histoire de l'être humain en quête de son humanité ? Est-il possible de saisir un tel sens alors que la question se pose à l'homme au moment où il perd le sens même de la question et où son histoire lui échappe ? Y a-t-il une approche phénoménologique de l'histoire ? Pour Patocka, la philosophie qui conduit à l'idéalisme a échoué dans sa prétention à saisir la subjectivité dans son rapport au monde, c'est-à-dire précisément ce qui fonde l'histoire.
Remontant aux origines de la philosophie européenne, il aborde alors les problèmes du choix, du souci de l'engagement et de la violence.
-
Le semeur d'yeux : sentiers de Varlam Chalamov
Luba Jurgenson
- Verdier
- Litterature Francaise
- 10 Février 2022
- 9782378560720
Ce livre est le fruit d'une longue expérience : celle de la lecture de Varlam Chalamov, écrivain majeur du xxe siècle qui fut aussi témoin d'une de ses réalités les plus sombres : le Goulag.
Témoignage ? oeuvre d'art ? Chalamov semble répondre par une formule fulgurante : « Ce qui devient grand dans l'art c'est ce qui, au fond, pourrait se passer d'art. ».
Saisir un tel acte de création dans son émergence est l'ambition de cet ouvrage qui n'élude pas la dimension subjective des interprétations proposées. Les « clefs » offertes par Chalamov n'ouvrent pas tout, pas tout de suite. Aussi cette lecture suit-elle les sentiers tortueux par lesquels l'oeuvre s'est construite. Elle épouse les détours, les va-et-vient d'une pensée à la chronologie bouleversée, au gré d'une mémoire fragmentée, censurée - celle des camps.
Et avec horreur j'ai compris que j'étais invisible à quiconque qu'il fallait semer des yeux que le semeur d'yeux devait venir !
Vélimir Khlebnikov
-
Cela fait quatre siècles que l'on Forge à Syam, en dépit des lois, bien plus dures que le fer, qui régissent l'activité économique. Une poignée d'hommes dansent le feu de part et d'autre du laminoir. Ici le temps a marché sur place. La vie s'obstine, portée par le travail. La singulière étrangeté du lieu vient de ce qu'il tient ensemble les contraires, l'eau et le feu, le mouvement et l'immobilité, la permanence et le changement, l'universel et le local, le présent et le passé.
-
Soit l'événement qu'est le passage du désir à l'amour. Comment rendre compte de cette expérience subjective qui passe pour des plus communes, qui pourtant se révèle chaque fois et pour chacun la plus intense et singulière ? Que nous arrive-t-il lorsque nous nous risquons à l'érotisme, lorsque nous « faisons l'amour » ?
Paul Audi montre que nous ne nous contentons pas toujours de donner forme et sens à l'expression de la pulsion sexuelle et à l'exaltation du désir. Car s'ouvre parfois à nous la possibilité de ce qu'il appelle une érotique : l'appropriation inventive, aussi urgente que patiente, des codes de l'érotisme, à travers le jeu, le plaisir du jeu. Et ce qui, en effet, est en jeu explique l'exceptionnel engagement des partenaires : une transformation de soi au contact du désir de l'autre.
Cet essai se présente sous la forme d'une discussion fictive où un interlocuteur rythme et relance la réflexion et notre lecture. L'on a part ainsi pleinement à ce défi de penser ce qu'il arrive quand du désir vient la surprise de l'amour.
-
Pourquoi - au moins dans le monde désenchanté " qui est le nôtre - l'être humain se sent-il porté à créer? Que cherche-t-il, que vise-t-il à atteindre en allant " au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau "? Cette finalité est-elle d'ailleurs la même à toutes les époques, ou change-t-elle de visage au cours de l'histoire? Quelles différences y a-t-il entre créer et s'exprimer, mais aussi entre créer, produire, faire et oeuvrer? Quelles distinctions, au plan éthique, faut-il opérer entre créer et procréer? Si l'on a toujours le plus grand mal à " expliquer " l'acte créateur dans tous ses tenants et ses aboutissants, l'on petit quand même espérer en comprendre le ressort intime et secret en partant de la considération des enjeux qu'il met en branle.
Aussi la théorie " esth/éthique " dont ce livre trace les linéaments ne consiste-t-elle pas en une théorie générale de la création mais en une théorie de l'enjeu éthique auquel s'attache l'acte de créer dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la modernité occidentale. Dans ce contexte, et dans la perspective d'une intrication de l'éthique et de l'esthétique, l'acte de créer apparaît alors comme cet événement générateur et généreux, singulier et singularisant, vital et vivifiant, qui élève en plein coeur de la vie comme une protestation de survie, à tous les sens du mot " survie ".
-
La vision des sages de la Grèce archaïque est sortie profondément transformée par la réflexion qu'a menée tout au long de sa vie Jean Bollack. Son ambition est ici de surmonter la fragmentation d'un poème exceptionnel que nous avons perdu. Il construit un ensemble avec des pleins et des vides à remplir. Le caractère initiatique de cet exercice de méditation facilite la tâche du déchiffrement ; tout s'y tient et le lecteur moderne peut se conformer à ses lois. L'analyse du langage prime. La pensée s'y libère et découvre un référent sûr. Une cosmologie s'y projette, des astres à la vie des hommes, de l'Etant au Monde, dont ce livre s'applique à dégager les correspondances.
-
Recommencer ; notes pour une reprise
Mathieu Potte-Bonneville
- Verdier
- Philosophie
- 1 Mars 2018
- 9782864329725
Économiquement, l'heure est dit-on à la reprise, gouverner consisterait à remettre le pays sur ses rails - et s'opposer à ce que l'air du temps peut présenter d'intolérable exigerait dans l'instant de repartir au combat.
Mais que peuvent bien signifier ces verbes, reprendre, remettre, ou repartir ?
À quelles complications et à quelles hantises s'affrontent nos tentatives intimes ou politiques pour surmonter déceptions et défaites, doutes et empêchements, jusqu'à trouver la force d'agir à nouveau ?
Les philosophes se sont souvent penchés sur les premiers commencements de toutes choses ; on voudrait ici, en compagnie de penseurs et d'écri- vains, interroger plutôt les deuxièmes coups, les nouvelles fois, sonder leurs pièges et leurs promesses, et explorer l'expérience individuelle ou collective du recommencement comme on se recoudrait une éthique en guettant le retour des beaux jours.
-
L'entretemps ; conversations sur l'histoire
Patrick Boucheron
- Verdier
- Sciences Humaines
- 1 Mars 2012
- 9782864326724
Quel est le problème ? On le dira ici simplement, tant est criante son actualité.
Il s'agit de trouver les lieux où peut se dire le politique. Non pas la parole instituée et instituante de la grande émotion révolutionnaire, mais celle, vibrante, efficace pour chacun, qui cheminera librement dans nos vies. Car elle s'énonce partout, sauf là où elle s'annonce comme politique.
Face aux textes, devant l'image, il faut pour la saisir s'adonner à quelques exercices de lenteur.
Faire comme eux, les trois philosophes. Trois hommes d'âge différent, qui méditent, qui commentent et qui espèrent. Ils prennent la mesure de la diversité du monde, tandis que le jour faiblit. Mais qui sont-ils ? Giorgione a peint la succession des âges comme une énigme.
Alors tentons de les faire converser, depuis le pli du temps qu'ils occupent, arrêtés là, désoeuvrant le cours glorieux des siècles, dans l'entretemps.
-
Qu'est-ce qu'une île ? Quelles sont ses frontières ? Comment s'inscrivent-elles dans l'espace et dans le temps ? Nulle île n'est une île est une méditation historique sur l'insularité à partir de quatre regards croisés sur la littérature anglaise. Qu'il s'agisse de s'interroger sur l'invention de l'île d'Utopie par Thomas More, sur la Défense de la rime de Sir Philip Sidney, sur Tristram Shandy ou sur la figure de Tusitala - le pseudonyme que se choisit Stevenson, et qui signifie conteur en samoa -, l'île est prise comme un paradigme pour penser, dans l'histoire, les relations du même et de l'autre. Si les îles existaient vraiment, si leurs bords circonscrivaient un espace clos, alors l'insulaire serait condamné à l'identité, au cercle de l'identique. Certains peuples ont rêvé ce destin. Rêve circonscrit. Rêve sans marge ni rive. L'historien démonte cette croyance rassurante. Les bords des îles sont poreux et leurs membranes comme ouvertes à l'échange. La dialectique de l'appel et de la réponse rend impossible le rêve des rivages nus, de l'origine intacte, des débuts sans histoire. Dans ce livre singulier, tout entier concentré sur des textes et des problèmes littéraires, attaché à sonder l'imaginaire avec les outils de l'érudition, Carlo Ginzburg poursuit son archéologie de l'altérité. Chacun des chapitres qui composent l'enquête est un exemple de sa méthode et un argument de sa thèse.
-
Je fantasme ; Averroès et l'espace potentiel
Jean-baptiste Brenet
- Verdier
- Sciences Humaines
- 2 Février 2017
- 9782864329091
Ce bref essai porte sur la notion oubliée de « cogitation » comprise comme activité fantasma- tique. On tâche d'y combiner trois éléments.
Il s'agit d'abord de raviver la notion médiévale de cogitatio, perdue, voire recouverte par la modernité depuis Descartes au moins. Cogiter, au Moyen Âge, ce n'est pas exercer son intellect ou sa raison, mais - sous l'influence certes de la rationalité - faire oeuvre d'imagination. Fantasmer, c'est agir sur les traces cérébrales produites en moi par mon expérience du monde.
Dans un deuxième temps, c'est le philosophe arabe Averroès qu'on place au centre du jeu.
L'Europe latine a fait d'Averroès l'ennemi du cogito, entendu comme principe de la rationalité.
Il fut pourtant le penseur génial de la cogitation, comprise comme intermédiaire ambigu entre les sens et l'intelligence.
Enfin, on mobilise la célèbre notion d'espace potentiel empruntée au psychanalyste Winnicott, pour dégager l'enjeu de cette doctrine. Ce qui rend cruciale l'idée qu'Averroès se fait de la cogitation, c'est sa thèse d'un intellect constitutif de l'individu qui ne serait originairement qu'un pur possible et dont l'actualisation, l'essor, le déploiement reposent entièrement sur la dynamique interne des fantasmes.
Le but du texte est d'esquisser quelques figures inédites de la médiation, à la fois intraperson- nelle et transindividuelle. Le génie d'Averroès est d'avoir conçu l'intelligence comme puissance indifférenciée et hors temps de l'humanité. Par le fantasme, tandis que l'individu se cultive, que dans son corps, son expérience perce, enfle, la puissance de l'intellect s'individue en lui, s'inter- nalise, entre dans l'histoire ; et la cogitation, pour tous, par tous, forme la scène où ce croisement, qui fait l'humanité, chaque fois se réactive et s'atteste.