La vie, la vraie vie, tout ce qu'on croit voir et ressentir, est posé délicatement dans ces pages. Ce sont là des éclats de tout, des bribes de pensées, des morceaux de choses choquantes, blessantes mais surtout vivantes. Le résultat est troublant : le lecteur se trouve pris entre des courants antagonistes, des questionnements brefs mais profonds tels que l'absurdité de la société de consommation ou la dureté de la sexualité. Il semblerait que cette vie d'illusions soit beaucoup plus simple que ce que l'on en dit : la mort n'est finalement que deux ondes de chocs, les rencontres sont d'une simplicité pathétique, vaines et ne mènent à rien.
(...) La société de consommation prend une place prépondérante dans l'analyse. En effet, des répliques publicitaires s'intercalent entre deux instants poétiques, une recette de cuisine macabre, un concours pour les enfants dérivé en provocation. C'est l'absurde de notre nouvelle culture que cela tends à démontrer: consommer toujours plus, le sexe pour le sexe, la zoophilie, les images impudiques exposées aux enfants, les jeux employés par les sociétés pour faire consommer à tout prix : «Désirez-vous vivre avec une dentition d'une blancheur éclatante ?», sans cesse une page de publicité se tourne. Même le système judiciaire semble corrompu en formant des agents incompréhensifs et agressifs, conditionnés dans la rapidité et l'efficacité : un interrogatoire revêt des airs d'accusation sans preuve et aboutit à la signature d'aveux par la force.
Nous sommes trois peut-être quatre/ dans ce cinéma/ Un après-midi/ Un monsieur est venu s'asseoir dans le fauteuil à côté de moi/ Il doit avoir une cinquantaine d'années/ À l'écran trois garçons/ baisent/ Le monsieur de cinquante ans/ a sorti sa bite/ grosse/ À l'écran les garçons changent de position/ Je sors du cinéma * Je peux affirmer aujourd'hui que je t'ai aimée bien que tu fusses à des kilomètres de moi. Ah si le monde était aussi compliqué qu'on veut bien le dire ! Mais tout est limpide et l'esprit appartient au délire. Alors je t'ai détestée calmement parce que tu étais à des kilomètres de moi et que tu me poursuivais jusque dans mes regards. Ah si les regards étaient des sourires.
Mais les regards sont remplis de pensées limpides et débordent du regard des autres qui vous regardent, et, les yeux dans les yeux, je t'aime encore.
Depuis 1797, le temps d'un été par génération, la place du Marché de Vevey accueille la Fête des Vignerons : une arène de 20 000 places, 400 000 spectateurs, 5 000 figurants et 1 000 choristes. Pour la première fois de son histoire, le livret du spectacle a été écrit à quatre mains.
On retrouve dans les poèmes qui composent le spectacle 2019 le cycle des saisons, les hommes et les femmes qui travaillent la vigne. À la manière d'une treille, il entremêle le régional et l'universel, le traditionnel et le contemporain, le concret et l'onirique. C'est un éloge des sens, de la lenteur, du vivre ensemble, du retour à la nature, du « repaysement».