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Paul Audi
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Choqués par le pogrom perpétré par le Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, et désemparés devant la riposte de l'armée israélienne à Gaza, deux amis français s'échangent des lettres dans lesquelles ils s'inquiètent de la recrudescence des actes et des discours antisémites partout dans le monde.
En tentant de faire passer leurs émotions par le tamis de la réflexion, ils témoignent des effets que le conflit israélopalestinien a pu avoir sur des consciences non-partisanes et non-belliqueuses, qui souhaitent que la justice prévale, que les destructions de vies et de villes cessent, et que le calme revienne sur le terrain autant que dans les esprits.
Assumant la part de fiction que comporte son livre, Paul Audi fait le pari de se glisser dans la peau de ces deux témoins du présent qui n'auraient jamais imaginé que la passion antijuive reviendrait avec tant de force et de présence. Il remonte à la racine d'un mal ancien, jamais disparu, en particulier dans ce Moyen-Orient où les tensions identitaires sont les plus fortes. -
Trois peintres de la Figure
Paul Audi
- Atelier Contemporain
- Essais Sur L'art
- 18 Octobre 2024
- 9782850351617
Trois peintres de la Figure est le deuxième volume de la suite Proximité du tableau, initiée en 2021 par le philosophe Paul Audi, dont l'oeuvre est en grande partie consacrée à mieux cerner les questions éthiques complexes qui hantent les arts en régime de modernité.
Je ne vois que ce que je regarde, le premier volume paru chez Galilée, cherchait à décrire «le miraculeux de la présence» qui peut naître de la rencontre entre un regard et un tableau. Dans ce deuxième volume, ce miraculeux a pour nom «Figure». La Figure est ce qui émerge quand a lieu une rencontre avec un tableau, cette «entité imaginale qui me regarde». Pour comprendre les conditions de cette fragile émergence, Paul Audi prête ici une attention passionnée aux oeuvres de trois peintres contemporains: Eugène Leroy, Paul Rebeyrolle et Ronan Barrot.
Dans le sillage des réflexions de Jean-François Lyotard ou de Gilles Deleuze, Paul Audi cherche à penser la dimension figurale des oeuvres, c'est-à-dire leur dimension essentielle, inquiétante, qui est d'une évidence troublante en même temps qu'elle ne cesse de nous échapper. Dans l'introduction de son étude, intitulée «Du tableau», il écrit: «Dans la jouissance d'une oeuvre d'art, et en particulier d'une oeuvre picturale, il ne m'est jamais donné de voir l'essentiel, car s'il m'arrive d'y voir quelque chose, ce quelque-chose de vu est, parmi tout ce que le tableau est capable de me montrer, ce qui en lui vient à me concerner, c'est-à-dire ce qui se met à me chercher du regard, ce qui tend à m'interpeller, voire à me frapper, à me saisir. Or ce qui, dans tout ce que l'oeuvre me montre, ou à travers tout ce qu'elle me montre, agit sur moi de cette façon s'apparente à un rien - en tout cas, à rien-qui-soit-visible.» La Figure est de l'ordre de ce «rien-qui-soit-visible», aussi incertaine que saisissante. Elle ne présente ou représente rien: elle est pure «présence».
Malgré l'étendue et la précision de son savoir, Paul Audi ne déroule pas un discours philosophique qui surplomberait les oeuvres et leur imposerait ses vérités conceptuelles. Au contraire, il construit une forme fragmentaire et singulière, qui découle d'une vive attention à la dimension incarnée des oeuvres. Il suffit de lister les titres de quelques-uns des fragments qui agencent le premier et le plus long des trois textes, intitulé «"Trouver la figure" - Eugène Leroy»: «Jubilation», «Vitalité», «Grammaire», «Chair», «Tableau», «Nu»... Chaque fragment est né d'une expérience sensible, d'une rencontre. «Nu» par exemple témoigne d'un saisissement devant les nus d'Eugène Leroy, qui lui ont fait comprendre que «le corps nu est avant tout la mise à nu - la mise en chair - de la Présence, tout comme la Figure est la mise à nu - la mise en corps - de l'image.»
Le deuxième texte, «"La peinture existe : elle ne finira pas" - Paul Rebeyrolle», se déploie à une plus grande vitesse, comme si l'oeuvre de Paul Rebeyrolle appelait elle-même cette accélération. Cette nouvelle suite de fragments, moins nombreux, sans titres, suit le peintre marxiste dans sa démarche esthétique et éthique qui consiste à «traquer tout ce qui, à tort ou à raison, nous fait supporter l'insupportable dans le tréfonds de notre être» et à «élever au rang de Figure ce qui est si difficile à prouver», à savoir ce «scandale» qui est que «la vie ne dédaigne pas l'autodestruction».
Le troisième texte, «"Un arbre ne pousse pas sur une toile" - Ronan Barrot», se poursuit à la même vitesse, témoignant d'une forme d'urgence en face de ce qui frôle l'insupportable. «Voilà donc une oeuvre [celle de Ronan Barrot] qui accorde à l'ossature d'un corps tourmenté, ou à la configuration noueuse d'un arbre charbonneux, le même rôle que celui que semble endosser la "viande" dans la peinture de Francis Bacon», écrit Paul Audi: elle nous fait voir ce que d'ordinaire le dégoût ou l'angoisse nous empêchent de voir, elle nous place devant ce qu'il nomme une figure, une présence, une «absolue singularité».
Si aucune conclusion ne succède à ces trois études de cas, c'est que Paul Audi souhaite donner à penser des contradictions, sans les résoudre. Pour lui, la vérité des figures est nécessairement paradoxale, à la frontière d'un rien quasiment imperceptible et d'une violente intensité. Un passage emprunté à Jean Tardieu, en exergue, en avertissait d'emblée: il faut penser ensemble «le plein et le vide, la présence et l'absence, l'aveuglante lumière et le velours des ténèbres», pour approcher quelque chose de «l'essence inépuisable». -
« Toute personne qui prend sur elle d'ouvrir le dossier de l'identité doit s'attendre à s'y brûler les doigts. C'est un sujet des plus délicats, et des plus dangereux, d'autant qu'il est incandescent : à son contact se propage un feu qui éblouit peut-être, qui aveugle sûrement, mais qui n'éclaire ni ne réchauffe. ».
Dans cet autoportrait philosophique, l'auteur affronte le plus épineux des problèmes, celui que nous pose notre identité. Pourquoi la simple information d'un lieu de naissance est-elle la source des souffrances les plus empoisonnées ?
Né au Liban et se voulant « plus français que les Français », Paul Audi se livre à une analyse rigoureuse et sensible des mécanismes combinés de la honte, de l'asservissement au regard des autres et de la haine de soi. Pour pénétrer les arcanes de son trouble et mettre en échec le démon de l'appartenance, il emprunte les chemins que lui désignent la relecture de certaines oeuvres, notamment littéraires et cinématographiques.
Mais c'est à travers une réflexion sur l'identité juive, jusqu'au bouleversant épilogue, que ce texte à la première personne acquiert sa portée véritable : trouvant une sortie au désespoir identitaire, il met au jour une éthique de la cohabitation avec soi, dès lors que l'on a déposé les armes si longtemps brandies contre soi. -
Qu'est-ce que compatir ? Quel rapport à la souffrance la compassion nous impose-t-elle ? À quelles contradictions cette morale nous expose-t-elle ?
Ces questions se posent d'autant plus vivement qu'avoir de la compassion semble être devenu le signe de « l'humanité » en nous. Si le compassionnel, mais aussi les idées de soin et de sollicitude dominent la morale et la représentation que les hommes se font d'eux-mêmes et apparaissent aussi indiscutables, c'est qu'ils reflètent nos angoisses contemporaines.
Mais pourquoi un tel empire ? Et comment celui-ci s'est-il progressivement échafaudé ?
Dans cette édition revue et augmentée, Paul Audi prend pour point de départ l'articulation de ce problème philosophique : la compassion relève-t-elle de l'amour ou de la justice ? Et pour mieux la définir et découvrir ses paradoxes, il retrace les grandes étapes de l'histoire de la notion de compassion, d'Aristote à Levinas.
Préface inédite de l'auteur.
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Soit l'événement qu'est le passage du désir à l'amour. Comment rendre compte de cette expérience subjective qui passe pour des plus communes, qui pourtant se révèle chaque fois et pour chacun la plus intense et singulière ? Que nous arrive-t-il lorsque nous nous risquons à l'érotisme, lorsque nous « faisons l'amour » ?
Paul Audi montre que nous ne nous contentons pas toujours de donner forme et sens à l'expression de la pulsion sexuelle et à l'exaltation du désir. Car s'ouvre parfois à nous la possibilité de ce qu'il appelle une érotique : l'appropriation inventive, aussi urgente que patiente, des codes de l'érotisme, à travers le jeu, le plaisir du jeu. Et ce qui, en effet, est en jeu explique l'exceptionnel engagement des partenaires : une transformation de soi au contact du désir de l'autre.
Cet essai se présente sous la forme d'une discussion fictive où un interlocuteur rythme et relance la réflexion et notre lecture. L'on a part ainsi pleinement à ce défi de penser ce qu'il arrive quand du désir vient la surprise de l'amour.
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« Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre... ».
Ainsi débute Dom Juan, avec la tirade énigmatique de Sganarelle ventant au public les vertus du tabac, dont il ne sera plus question dans le reste de la pièce.
Mais pourquoi cet éloge ? Pourquoi le tabac ? De quoi serait-il la métaphore ? Quel sens y a-t-il à convoquer ici « Aristote et toute la Philosophie » ? En quoi le tabac permet-il d'«instruire les âmes à la vertu » ?
L'étude de Paul Audi tient de l'enquête policière. Au regard des commentaires les plus fameux, il propose une interprétation qui rend compte de chaque mot, de chaque indication de la tirade, mettant en relief le mobile politique qui sous-tend le texte de Molière.
Cette étude révèle le combat qu'un grand comédien et dramaturge a été conduit à mener, au moment le plus critique de sa vie, pour défendre son art.
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Pourquoi - au moins dans le monde désenchanté " qui est le nôtre - l'être humain se sent-il porté à créer? Que cherche-t-il, que vise-t-il à atteindre en allant " au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau "? Cette finalité est-elle d'ailleurs la même à toutes les époques, ou change-t-elle de visage au cours de l'histoire? Quelles différences y a-t-il entre créer et s'exprimer, mais aussi entre créer, produire, faire et oeuvrer? Quelles distinctions, au plan éthique, faut-il opérer entre créer et procréer? Si l'on a toujours le plus grand mal à " expliquer " l'acte créateur dans tous ses tenants et ses aboutissants, l'on petit quand même espérer en comprendre le ressort intime et secret en partant de la considération des enjeux qu'il met en branle.
Aussi la théorie " esth/éthique " dont ce livre trace les linéaments ne consiste-t-elle pas en une théorie générale de la création mais en une théorie de l'enjeu éthique auquel s'attache l'acte de créer dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la modernité occidentale. Dans ce contexte, et dans la perspective d'une intrication de l'éthique et de l'esthétique, l'acte de créer apparaît alors comme cet événement générateur et généreux, singulier et singularisant, vital et vivifiant, qui élève en plein coeur de la vie comme une protestation de survie, à tous les sens du mot " survie ".
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Liberté, égalité, singularité : Rousseau en héritage
Paul Audi
- Vrin
- Moments Philosophiques
- 7 Octobre 2021
- 9782711630165
Qu'en est-il, aujourd'hui, de l'héritage de Jean-Jacques Rousseau? Que pourrait-on en retenir au regard de ce qui nous préoccupe essentiellement? De quels concepts le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Du Contrat social et Les Confessions, notamment, nous permettent-ils encore de profiter?
Pour Paul Audi, le Rousseau qui nous concerne le plus directement pourrait se résumer au legs de ces trois notions clés : liberté, égalité, singularité. C'est surtout le nouage de ces notions ou, plus exactement, la trame des fils présents sous ses noms dans la plupart de ses textes, qui assure à la pensée de Rousseau sa plus vive actualité.
Cet ouvrage complète et, sur certains aspects, approfondit l'essai que Paul Audi a publié en 2008, sous le titre Rousseau : une philosophie de l'âme. Ce qu'il analyse surtout ici, c'est l'articulation rousseauiste de l'éthique et de la politique, donc ses conceptions du bien et du juste, mais aussi bien de l'être-soi et de l'être-ensemble, dont il montre qu'elles éclairent, après coup, plusieurs aspects de notre modernité.
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Analyse du sentiment intérieur cherche à instruire sur de nouvelles bases le procès, jamais interrompu en philosophie, de la subjectivité humaine.
Et il le fait en tentant de mettre en lumière les constituants de l'individualité du « moi » à partir de la seule considération du « lieu » dans lequel celui-ci reconnaît se sentir exister.
Qui se sent exister voit naître en lui, comme sa vie même, un sentiment qui ne doit qu'à sa propre affectivité le fait d'être là. C'est cette « autonomie » du sentiment d'exister qui en fait un sentiment intérieur. Aussi, toute la question est-elle de montrer pourquoi et comment il existe, pour chacun d'entre nous, un « lieu » tout juste ajusté à soi, un lieu que notre « moi » n'a pas le pouvoir de quitter, ni de dépasser, et dans lequel il n'y a pas non plus de place pour un autre que lui. Ce lieu du moi, ce lieu « occupé » par sa subjectivité même, ce lieu qui fait corps avec l'épreuve qu'il ne cesse de faire de sa propre limitation ou finitude, comment le décrire adéquatement ? En quels termes aborder cette butée sur soi dont le moi jouit ou souffre à tout instant sur le plan de sa « corporéité », et que Rousseau avait touché du doigt en écrivant cette phrase inouïe : « Je suis tout entier où je suis. » Montrer que le sentiment intérieur enveloppe un « soi » dont la spécificité est de se manifester à la fois comme charnel et pulsatile, voilà ce qui donne tout son objet à Analyse du sentiment intérieur.
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La proximité du tableau Tome 1 ; je ne vois que ce que je regarde
Paul Audi
- Galilee
- Debats
- 18 Février 2021
- 9782718610061
Si elle n'était qu'une affaire d'image, de signes ou de représentation, si elle n'avait pas intrinsèquement partie liée avec la liberté humaine, avec la libération même de cette liberté, sans doute la peinture n'aurait-elle pas pris l'importance qu'elle possède, depuis une certaine date, aux yeux de l'humanité.
Cette date est celle de l'invention du tableau, qui donne à l'acte de peindre toute sa modernité.
Mais de quelle liberté s'agit-il ?
Voici la réponse qui est exposée et discutée ici : la liberté qui se libère devant le tableau est celle du regard - un regard qui n'est pas là pour voir mais pour garder et sauvegarder le miraculeux de la présence. Un regard que le tableau a surtout la tâche de faire naître dans tous les yeux qui s'efforceraient de lui faire face.
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N'e^tre pas reconnu dans ses droits, faire l'objet d'un de´ni de justice, e^tre victime d'une injustice, demander re´paration pour un tort subi : y a-t-il une seule personne, depuis que le monde existe, qui n'ait pas connu, directement ou indirectement, ce genre d'e´preuve ? Or ces e´preuves, si ine´vitables soient-elles, n'ont-elles pas parfois pour conse´quence de faire perdre la te^te ? N'y a-t-il pas des circonstances ou` re´clamer justice fait basculer les hommes dans la violence, voire dans la de´raison ou la folie ? Cette folie est-elle dicte´e par le besoin de se venger ? Ou ne tient-elle pas pluto^t au de´sir de voir le droit existant s'appliquer sans re´serve ni de´lai ? Il arrive en tout cas qu'au nom me^me de cette justice dont on ne laisse pas d'exiger le respect, l'on se mette a` oeuvrer contre elle, a` franchir les limites de la loi, a` se rendre coupable d'un crime. Immense est alors le paradoxe qui veut que l'on s'alie`ne le droit dont on a la chance de jouir de´ja` et que l'on re´ve`re pour la protection qu'il assure. Un paradoxe qui apparai^t plus souvent qu'on ne croit. Et qui commande aussi que l'on se pose au moins cette question : la folie du re´clamer-justice, quand elle a lieu, est-elle due au fait que cette re´clamation s'e´le`ve alors me^me que l'ide´e que l'on se fait ge´ne´ralement de ce qui est juste, de ce qui devrait e^tre juste, n'est jamais tout a` fait claire ? Ou ne survient-elle pas pluto^t parce que l'exigence de justice qui gi^t au fond de nous est, par sa nature me^me, infinie ?
Cet essai a e´te´ conc¸u dans le contexte social et politique de la France en cette fin d'anne´e 2018 qui a vu un de´chai^nement de violence faire escorte a` une revendication de justice sociale des plus originales comme des plus le´gitimes. A` sa fac¸on, il tente de mettre en perspective le point de jonction du de´sir partage´ de justice et de la violence publique, tel qu'il s'est manifeste´ au cours de cette pe´riode. Il aborde la question du de´sir.
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Il y a bien sûr plusieurs façons d'entrer dans la philosophie de Nietzsche. Pour Paul Audi, qui livre ici une passionnante vue d'ensemble de cette philosophie, il importe, pour toucher au coeur de la doctrine, d'affronter la question de ce qui fait l'essence de l'individualité humaine. Pourtant, nombreuses sont les philosophies qui ont conclu à l'inexistence du " Soi " en se réclamant précisément de Nietzsche.
Mais il ne s'agissait alors que de l'inexistence du Soi comme sujet substantiel, marqué du sceau de " l'être ", au plus loin de toute considération pour le " devenir " propre du Moi. Or, même s'il ne saurait être question de l'identifier à un sujet souverain, ayant conscience de soi, le Soi existe bel et bien, et il a un tout autre statut que celui, métaphysique, que les philosophies de la subjectivité ont cru bon de lui octroyer jusqu'à présent.
C'est pourquoi il convient de revenir sur cette réalité difficile à cerner en évitant de se réfugier derrière une " critique du sujet " que Nietzsche, du reste, en son temps, avait déjà réussi à mener jusqu'à son terme. Ce qu'il faut maintenant, c'est penser qui est l'homme en tenant compte de l'apport de la doctrine nietzschéenne du Soi. En effet, cette doctrine, qui définit la grande affaire de Nietzsche, représente toujours pour nous, plus d'un siècle après sa mort, un défi pour la pensée.
C'est ce défi que l'auteur appelle " l'affaire Nietzsche ".
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L'homme considéré comme un être parlant et désirant est un thème qui a donné lieu, ces dernières décennies, à des analyses d'envergure dont un des effets les plus notables est d'avoir redonné à la différence des sexes sa part d'énigme. Mais c'est peu dire que nous sommes loin d'en avoir fait le tour. Les récentes spéculations sur la notion de genre ne semblent pas même vouloir se préoccuper de dissiper l'obscurité dans laquelle se tient encore l'essence du désir.
Certes, nous connaissons désormais un peu mieux les liens unissant le désir et la répétition où se signale un symptôme. Mais qu'en est-il de l'amour quand le désir dont il se soutient parvient à franchir le mur de la répétition ? À quel type de réjouissance a-t-on alors affaire ?
Il nous a semblé que la question de l'essence du désir devait faire place maintenant à celle de son « ipséité ». D'autant que la question de son ipséité - Qui est le désir ? - n'est pas sans éclairer d'un jour nouveau la question plus traditionnelle de son essence. Donc aussi bien celle de l'amour dont le désir est la raison.
Dire que le désir est la raison de l'amour ne suffit cependant pas. Pas plus qu'il ne faudrait se contenter de reconnaître le caractère libidinal de l'économie du monde humain. Que le monde des hommes soit un monde du désir, cette conviction, on le sait, nous aura été transmise par une philosophie dont nous nous reconnaissons volontiers les héritiers. Mais que ce monde du désir ne soit pas exclusivement affilié au sexuel, donc à la différence, que ce monde ne soit rien de moins que celui où le désir vient miraculeusement s'accomplir dans la réjouissance de l'amour, voilà où se dresse pour nous la grande nouvelle, la bonne nouvelle.
Ce court essai prolonge la réflexion menée en 2011 dans Le Théorème du Surmâle, ouvrage qui avait déjà pour thème cette invention considérable du désir qui s'appelle l'amour. Cette invention y était alors appréhendée au travers de ce que suggérait de comprendre d'un séminaire de Jacques Lacan - Encore, tenu en 1972 et 1973 - la lecture du roman d'Alfred Jarry, Le Surmâle, paru en 1902. À présent, il s'agit de « tenir le pas gagné », pour reprendre la formule de Rimbaud 1, en tablant sur d'autres éléments de compréhension qui touchent moins à la psychanalyse qu'à la philosophie.
Mais n'est-ce pas justement cela - tenir le pas gagné sur ce qui n'est jamais déjà « gagné », c'est-à-dire obtenu, donc sur ce qui doit être arraché de haute lutte et conquis pour toujours - que l'amour demande secrètement à tout un chacun ? L'amour, n'est-ce pas en effet ce qui - à distance de tout cantique, comme dit aussi Rimbaud - exige que l'on en soutienne la gageure - disons mieux le miracle - en faisant feu de tout bois ?
Il est vrai que cette demande s'élève avec d'autant plus d'insistance que l'amour se laisse lui-même définir comme ce « pas » que le désir gagne sur sa propre satisfaction fantasmatique, comme ce saut que le désir ose accomplir au-delà du point de butée où il arrive si souvent à la pulsion sexuelle de tourner court.
Ici, deux courts textes - à l'origine des « causeries » sur le fait que l'amour n'assure aucun acquis au désir - viennent compléter le texte principal intitulé « Cette réjouissance qu'est l'amour ».
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L'adolescence est réputée être le théâtre d'un moment de crise, de recherche, de découverte, d'interrogation métaphysique pour le jeune être humain. Au carrefour d'un passé qu'il aspire à surmonter et d'un avenir aux traits inconnus, celui-ci semble vouloir y traiter avec l'intrai- table de sa condition native dont dépendent son identité et son marquage à l'intérieur d'une filiation. Mais l'adolescence se réduit-elle, comme on le croit communément, à l'âge dit « pubertaire », voué par principe à être traversé et abandonné derrière soi ? Qu'emportons-nous au sortir de l'enfance de cette enfance précisé- ment ? Quant à l'éthique, quelle décision exige- t-elle de l'adolescent pour qu'il assure son entrée dans l'âge adulte ?
À travers notamment une analyse de la figure de Hamlet et une lecture du poème de Rimbaud intitulé « Jeunesse », Paul Audi se propose dans cet ouvrage de rattacher les caractéristiques du « moment adolescent » à une conception qui lui est propre de la finitude humaine, non sans tenter de mesurer en même temps la portée de cette affirmation que l'on doit à la psychiatrie française contemporaine, à savoir que « ce qui se passe en adolescence est une métaphore des problématiques de notre société ».
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À un siècle de distance, ponctué par trois guerres entre la France et l'Allemagne, mais surtout marqué par l'existence de la Shoah, un poète de langue française, Stéphane Mallarmé, et un poète de langue allemande, Paul Celan, ont été conduits, presque à leur corps défendant, à devoir éprouver les limites de la littérature, en l'occurrence la finitude du poétique, dans son affrontement à l'irreprésentable de la vie et de la mort. Mais est-ce bien parce que l'un estimait avoir déjà lu le meilleur, et l'autre avoir déjà vu le pire, que leur différend, à supposer qu'il existe, peut réussir à nous éclairer sur la finalité, proprement esth/éthique, de toute création humaine ?
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Dans cet essai au ton personnel, Paul Audi tente de dégager et d'éclaircir, parmi toutes les idées que le romancier Romain Gary a cherché à mettre en valeur, celles qu'il lui paraît urgent que nous entendions dans le contexte présent de la culture, qui fait désormais le moins de place possible à une éthique de la réjouissance. En prenant pour fil conducteur la phrase énigmatique de Gros-Câlin, le roman de Gary signé Émile Ajar : " J'attends la fin de l'impossible ", il s'interroge en priorité sur cette étrange utopie qui se dissimule à l'arrière-plan de tous les écrits de Gary et que cet idéaliste désenchanté, ce " clown lyrique ", disait vouloir poursuivre dans la vie envers et contre tout. Ce faisant, il parvient à mettre en perspective - comme pour mieux se la réapproprier - l'espérance qui fut celle de Gary, comme elle est au fond celle de tout un chacun, de voir l'homme, cet être profondément inhumain, naître un jour à son humanité, qui n'est autre que la reconnaissance de son essentielle fragilité.
Dans cette nouvelle édition, complétée de trois essais, inédits pour deux d'entre eux, Paul Audi, tout en réfléchissant sur le sens de ses partis pris philosophiques, approfondit les raisons de l'importance qu'il convient selon lui d'accorder à cette " attente ", à cette vive espérance, déjà en elle-même impossible, qui soutient de part en part l'oeuvre de Gary comme elle soutient peut-être aussi l'existence même de l'être humain. Il tâche aussi de dégager, parmi toutes les idées que Gary a cherché à défendre, celles qui lui paraissent urgent d'entendre dans le contexte actuel de la culture dominante, qui fait désormais le moins de place possible à une éthique de la " réjouissance ".
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Pour construire son éthique, Jean-Jacques Rousseau ne s'est pas posé la question de Spinoza : " Que peut un corps ? " ; il s'est demandé : Que veut une âme ? Cette question nous introduit au coeur de ce qu'il a lui-même appelé " la véritable philosophie " - une éthique qui préconise que pour jouir en toute liberté du " plaisir d'exister " il faut éviter de se mettre en contradiction avec soi-même. Ce livre s'efforce ainsi de montrer que sous le titre de " philosophie de l'âme " Rousseau a poursuivi une méditation passionnante et passionnée de la vie au cours de laquelle il s'est interrogé sur son essence intime, son pouvoir et son lieu de manifestation, sa possible corruption, ses fins dernières. Il explique notamment comment cette recherche, pour laquelle Rousseau eut à subir une solitude tragique, a conduit celui-ci à découvrir que l'amour de soi est le premier principe de l'âme, que la vertu est la force et la vigueur de l'âme, que le sentiment de la Nature est une intensification du sentiment de l'existence ; enfin, et c'est peut-être cela qui lui fut le plus reproché, qu'en dépit de toutes les horreurs dont la société est à la fois la cause et le théâtre, la vie (qui répond ici au nom de " nature ") est un " système où tout est bien ".
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Terreur de la peinture, peinture de la Terreur ; sur les onze de Pierre Michon
Paul Audi
- William Blake & Co
- 17 Mars 2015
- 9782841032099
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"L'amour est un acte sans importance, puisqu'on peut le faire indéfiniment", tel est le théorème énoncé en ouverture du Surmâle, roman publié en 1902 et qualifié de "moderne" par son auteur, Alfred Jarry.
Pour Paul Audi, la vérification de la validité de ce théorème telle qu'elle s'accomplit dans le roman de Jarry éclaire d'un jour nouveau la fameuse thèse de Jacques Lacan selon laquelle "l'amour supplée" au fait qu'"il n'y a pas de rapport sexuel". Car, en imaginant un "sur-mâle" capable de faire l'amour plus de quatre-vingts fois d'affilée avec une même femme et en se demandant par là si l'acte sexuel, quand il s'avère voué à la répétition, ne fait pas de l'amour quelque chose d'insignifiant, Jarry posait une question autrement pertinente : que signifie faire l'amour ? Que fait-on exactement quand on "fait l'amour" ? Mieux : quel est donc cet amour dont on dit qu'il est "fait"? Lire Lacan à la lumière de Jarry permet d'affronter depuis une perspective imaginaire - et pas seulement psychanalytique - le problème du désir et de ses rapports tragi-comiques à la jouissance et à l'amour.
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L'acte de création repose-t-il sur une nécessité ? Et si oui, laquelle ? Si « créer, c'est jouir », de quelle nature est le désir qui préside à la naissance comme à l'amour des oeuvres ? Telles sont les questions autour desquelles Paul Audi a choisi de rassembler dans ce livre, parfois léger et parfois grave, des essais composés par lui au cours des dix dernières années.
En s'appuyant sur certains phénomènes (la pulsion, l'incarnation, le sexe, le désespoir, l'amour, l'esprit), l'auteur cherche ici à éclairer la façon dont l'alliance de l'éthique et de l'esthétique pourrait encore dresser des pôles de résistance à une époque, la nôtre, où le simulacre est devenu le seul mode de représentation agréé et où la pulsion de mort règne sur la culture dite dominante.
Né en 1963, Paul Audi est normalien, agrégé de philosophie, docteur en philosophie. Il est à ce jour l'auteur d'une thèse sur J.-J. Rousseau, d'une quinzaine d'ouvrages et d'une trentaine d'articles, dont la plupart sont consacrés aux relations entre l'éthique et l'esthétique en Occident, au cours des Temps Modernes. Estimant que ces relations ne peuvent être prises en compte sans que l'on s'interroge en même temps sur les tenants et les aboutissants de la subjectivité humaine, Paul Audi vise à fonder sur cette base une « éthique de la création » à laquelle, depuis son ouvrage Créer, il donne le nom d' « Esth/éthique ».
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Dans un aphorisme, Kafka déclare : " Tu es la tâche ". Cette phrase exprime la maxime fondamentale de l'éthique. Tout l'enjeu de ce livre est d'expliquer pourquoi et comment la tâche éthique consiste en une " explication avec soi-même " où il s'agit, en tout dernier ressort, de faire face au désespoir qui est toujours tapi au fond de soi et dont il convient de désespérer pour mieux se supporter soi-même. Cependant, cette tâche dont le moi est à la fois le sujet et l'objet ne peut être accomplie que si le " vouloir porteur de l'éthique ", comme dit Wittgenstein (philosophe dont la conception de l'éthique se prête ici à une élucidation particulière), se dote par lui-même d'une certaine " force de caractère " capable non pas de le rendre heureux, mais de le disposer à l'être, si jamais il peut l'être. Cette disposition au bonheur, qui n'est pas le bonheur lui-même, est ce que Paul Audi analyse sous le nom de " réjouissance ".
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En 2010, Paul Audi publiait Créer aux éditions Verdier. Cette succession d'essais, réunis en un volume, tentait d'identifier les points de croise- ment possibles de l'éthique et de l'esthétique, donc du bien et du beau, dans le contexte de la culture occidentale, au cours des Temps moder nes. L'auteur y adossait sa pensée à un mot- valise - l'esth /éthique - qui, en raison de sa signi fication conceptuelle, a suscité, depuis, un certain nombre de commentaires et de discussions.
Avec Curriculum, Paul Audi donne une suite à Créer. En cherchant à démentir l'idée commu- nément admise que la « création » est un concept contradictoire, voire indéfi nis sable, il y explique notamment dans quelles conditions on pourrait « réinventer » ce concept en le soustrayant au cadre théologique dans lequel sa provenance biblique a tendance à l'enfermer. Mais surtout, Curriculum prend le parti de jauger l'esth /éthique à l'aune des pensées de Nietzsche, de Sartre, de Lacan, de Derrida, de Foucault, notamment.
En dressant un tableau ordonné de l'évolution de sa pensée, Paul Audi laisse alors entendre que celle-ci ne peut plus laisser dans l'ombre ce qu'elle a jusqu'à présent soigneusement tenu à l'écart : son enjeu politique.
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Hémon est un drame librement inspiré de la tragédie de Sophocle, Antigone. Très vite les différences surgissent.
Dans la pièce de Sophocle, pour n'avoir pas été capable de faire entendre raison à sa fiancée rebelle, Antigone, ni à son père tyrannique, Créon, Hémon écartelé entre deux volontés inflexibles, se donne la mort un peu avant le dénouement.
Dans Hémon, Hémon ne meurt pas et cette survie témoigne de la force intérieure du personnage.
Personnage intelligent, mais sans grande envergure, Hémon surprend au fur et à mesure que les épreuves qu'il traverse le transforment, l'amenant à occuper le centre de l'arène tragique.
Ces épreuves sont colossales : avec Antigone, il voit son grand amour mis à l'épreuve ; avec Créon, il voit son affection filiale mise en cause. De ce parcours, ce qui émerge n'est-ce pas sa stature de héros ?
Héros, c'en est peut-être un, mais paradoxal. Au lieu de conquérir quelque chose d'impossible et de s'en prévaloir, Hémon finit par apprendre, au fil de ses diverses dépossessions, qu'il lui reste à se détourner de la folie du monde et à se tourner vers lui-même, au nom d'un principe : le respect de la fragilité essentielle de l'être, qui est la sienne autant que celle d'autrui.
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