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Le suicide d'une république ; Weimar 1918-1933
Peter Gay
- Gallimard
- Tel
- 22 Septembre 1995
- 9782070740819
Nous n'en avons pas fini avec la République de Weimar, aussi flamboyante et baroque sur le plan culturel qu'elle fut désastreuse sur le plan politique. D'un côté la peinture expressionniste, Rilke et Thomas Mann, Bertolt Brecht, la musique atonale, Nosferatu et L'Ange bleu, le Bauhaus et l'invention du design ; de l'autre, la violence quotidienne, les assassinats politiques, la déroute du mark, l'irrésistible montée de la haine.Mais peut-on continuer de séparer culture et politique ? Jamais leur dépendance ne fut si forte que durant ces années où l'Allemagne chercha la voie de la démocratie et découvrit le chemin du nazisme. Ce que montre Peter Gay, dans cet essai brillant et incisif, c'est la façon dont l'élite cultivée de Weimar collabora sans le vouloir, ni toujours le savoir, à l'effondrement final en janvier 1933. Cette République n'eut pas d'opposition plus acharnée ni de critiques plus acérées que de ceux qui auraient dû en être les défenseurs. «Non contents d'inviter le cheval de Troie à entrer dans la cité, les hommes de Weimar assistèrent à sa construction et prirent soin d'assurer un asile à ses architectes.» Avec une force sans égal, c'est la question de la responsabilité des intellectuels qui est posée là, devant le tribunal de l'Histoire.
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Comme point de départ à cet ouvrage, l'auteur utilise un traumatisme du jeune Schnitzler - l'ouverture de ses cahiers intimes par son père pour construire son étude à travers une problématique essentielle : la notion d'intimité (et sa difficile émergence) à l'époque victorienne. Il étudie avec une merveille de nuances les rapports entre division du travail, individualisme, amour-propre et circonférence de la sphère privée. Le rapport de la bourgeoisie et de l'Avantgarde, notamment, est étudié sans parti-pris et l'on est souvent surpris de la complexité du lien entre ces deux entités. Les exemples pris parmi les premiers collectionneurs bourgeois à l'époque où l'impressionnisme faisait ses premiers pas sont particulièrement intéressants.
On se délecte de découvrir avec Peter Gay que le programme saint-simonien n'était rien d'autre qu'un christianisme capitaliste sans Christ, que l'occultisme ne fut qu'une bouée pour ceux qui ne pouvaient plus être croyants ni se jeter dans les bras de la raison triomphante, que le monde rural n'était pas si pieux qu'on l'a souvent cru et que les manifestations extérieures de la foi se
confondaient parfois avec l'assouvissement de désirs des plus impies.
La diversité des comportements de la bourgeoisie victorienne surprend sans arrêt : on va au théâtre tantôt pour être la proie d'émotions touchant au sublime, tantôt pour retrouver une fille de joie entr'aperçue plus tôt, tantôt pour les deux raisons.
Et l'appréhension de la musique atonale par Schnitzler n'est qu'un prétexte pour nous replonger dans la lutte sans merci que se livrèrent les partisans de Brahms et ceux de Wagner.